Armide, de Lully, au Théâtre des Champs-Elysées.
Etait-ce la musique elle-même, la façon dont elle était jouée ou un effet de la mise en scène ? j'ai trouvé langoureux et presque mélancoliques les divertissements galants, les enchantements qui bercent Renaud, la ronde des Plaisirs ou la Passacaille. Les chansons parlent de jeunesse et du printemps mais la lumière jaune et horizontale figure l'automne du sentiment. A la fin Renaud congédie les Plaisirs et ceux-ci viennent s'incliner devant lui comme la Joie de l'Ode à la Mélancolie, whose hand is ever at his lips bidding adieu.
L'amour d'Armide s'exprime par l'inquiétude et par le pressentiment funeste : Armide craint d'abord d'aimer puis elle craint d'être abandonnée ; elle est seule, Renaud est endormi ou envoûté par ses soins, et son malheur semble l'effet de ses propres paroles sans réponse. Trop lucide, elle ne peut être la dupe de ses enchantements et la Haine convoquée des Enfers est impuissante à la guérir de son inclination. Dans cette belle scène, pour finir, la Haine et tous les démons, à sa suite, s'éloignent d'elle et le baiser qu'ils lui donnent est comme une morsure.