Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Lointains

     (On passe) de la disposition centrale, représentée par la cour centrale à la disposition longitudinale (...). On ménage pour l'oeil une perspective sur ce qui est au delà de la cour, et on entraîne ainsi l'imagination vers de lointains horizons. (...) Michel-Ange projette pour le Palais Farnèse une perspective ouvrant sur le jardin, avec le taureau Farnèse utilisé dans le groupe de la fontaine ; dans le fond il voulait jeter sur le Tibre un pont qui aurait conduit au domaine des Farnèse situé de l'autre côté du fleuve. (...)

    Le baroque stylise la nature pour lui donner l'attitude de la grandeur et la dignité mesurée que cette époque exige ; le parc cependant n'est pas absorbé par la loi architecturale : l'informel et l'infini sont introduits dans la composition (...) Le parc se perd dans la nature sauvage, il passe peu à peu à la nature sans forme et sans liens ; puis la perspective ouverte sur le paysage est considéré comme essentielle, on dispose des allées de façon que le lointain constitue leur conclusion (...).

    (Wölfflin - Renaissance et Baroque)

  • Ruisdael

    Un petit tableau de Ruisdael au Musée Jacquemart-André (difficile à voir, accroché trop haut, masqué sous de nombreux angles par la réverbération de l’éclairage). On y retrouve quelques éléments caractéristiques du peintre : comme dans la Vue de Haarlem du Rijksmuseum, l’horizon est bas et sans relief ; le paysage terrestre occupe un tiers de la toile ; les nuages s’étagent haut dans le ciel bleu pâle, passant par des transitions insensibles du blanc au gris presque noir. Comme dans le Coup de soleil du Louvre, les nuages projettent au sol un réseau diffus d’ombres et d’éclaircies, marquant au milieu une tache éclatante, vert jaune ; un ravin traverse le premier plan, en écharpe, plongé dans la pénombre ; il est limité dans le coin inférieur gauche par un point lumineux issu de la rive la plus proche. (Il y a souvent, ainsi, dans la zone inférieure des paysages de Ruysdael comme une paire de ciseaux largement ouverts : une ou deux obliques très rabattues qui déterminent un passage vers l’arrière-plan ; une rivière, un torrent, une route, une trouée dans les arbres… Elles contrastent quelquefois avec un motif impénétrable, au centre, comme dans le Buisson du Louvre).  

    Une eau bleu sombre coule au fond du ravin. On devine au-delà des maisons dans le talus. Derrière elles, une ligne de feuillages, peut-être un chemin creux, rejoint les ruines d’un château, tout au sommet de la tache claire. Ici se concentre la lumière éparse, formant le point le plus brillant de l’ensemble.

  • Like a séance in hell

    (Plus tard : Keith est de plus en plus longtemps absent, gagnant petitement sa vie au poker, suivant de ville en ville, d'hôtel en hôtel, le circuit des tournois. Un jour, Lianne assiste à une retransmission d'un tournoi ("like a séance in hell") - où Keith pourrait apparaître, tel un spectre dans le temps circulaire et la lumière sans jour des enfers :)

    (Lianne) came across a poker tournament on TV. (...) She saw three or four tables, in long shot, with spectators seated among them, clustered in pockets, in spooky blue light. The tables were slightly elevated, players immersed in a fluorescence glow and bent in mortal tension. (...) She hit the mute button and looked at the players seated around the tables as the camera slowly swept the room and she realized that she was waiting to see Keith.

  • Falling man

    (Au tout début du roman, Keith émerge du nuage de poussière provoqué par l'effondrement de la tour Sud du World Trade Center le 11 septembre 2001. De même qu'il fallait attendre la fin de Underworld pour connaître le secret qui pesait sur la vie de son personnage principal, de même ce n'est que dans les dernières pages, terribles, de Falling man que nous entrons au coeur de la catastrophe : avant cela, on ne fait qu'entrevoir ou deviner les images et les souvenirs cachés qui bouleversent l'existence de Keith. Mais ici l'événement lui-même n'a évidemment rien de secret ou de seulement intime : il intéresse tout le monde ; il est rejoué sans cesse sur les écrans de télévision :)

    (Keith) watched with (his wife, Lianne) one time only. She knew she'd never felt so close to someone, watching the planes cross the sky. Standing by the wall he reached toward the chair and took her hand. She bit her lip and watched. They would all be dead, passengers and crew, and thousands in the towers dead, and she felt it in her body, a deep pause, and thought there he is, unbelievably, in one of those towers, and now his hand on hers, in pale light, as though to console her for his dying.

  • Rumsey, Ramsey

    Three of the cardplayers were called by last name only, Dockery, Rumsey, Hovanis, and two by first name, Demetrius and Keith. Terry Cheng was Terry Cheng.

    Someone told Rumsey one night, it was Dockery the waggish adman, that everything in his life would be different, Rumsey's, if one letter in his name was different. An a for the u. Making him, effectively, Ramsey. It was the u, the rum, that had shaped his life and mind. The way he walks and talks, his slouchings, his very size and shape, the slowness and thickness that pour off him, the way he puts his hand down his shirt to scratch an itch. This would all be different if he'd been born a Ramsey.

    They sat waiting for R's reply, watching him linger in the aura of his defined state.

    (De Lillo, Falling Man).

  • 2 puissance 5

    En ces temps "particulièrement calmes", me raccrochant ici, ou , je réponds laborieusement aux trente-deux questions suivantes :

    1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?- Aucun.

    2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ? - Pour n'en garder qu'un : Jules Verne.

    3) Aimez-vous la lecture à haute voix ? Comment ? Pourquoi ? - Non. Je perds le fil.

    4) Votre conte préféré ? - Un conte de Stifter : Cristal de Roche.

    5) La meilleure adaptation cinématographique d'un roman ou d'une pièce de théâtre ? - Les Mille-et-une Nuits de Pasolini.

    6)Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre ou passages de roman ?- Oui, quelques poèmes.

    7)Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ? Lesquels ? - Oui. J'espère ainsi, par la contrainte, venir à bout des Contemplations.

    8) Avez-vous plusieurs lectures en cours ? Combien ? Lesquelles ? - Un certain nombre abandonnées, peut-être définitivement. Sinon : Falling Man, de De Lillo.

    9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ? - Bonnefoy, Thomas, Michaux, Claudel, Rimbaud, Mallarmé, Baudelaire, Nerval et, tant qu'à empiler les sublimités, Leopardi, Keats, Dante...

    10)Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ? - Le plus lentement : peut-être, Under the Volcano, de Lowry, que je me suis efforcé de terminer. Le plus rapidement (relativement) : de gros livres comme Les Démons de Doderer, Gens Indépendants de Laxness ou La Ville et les chiens de Vargas-Llosa.

    11)Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ? - Les dictionnaires.

    12)Préférez-vous les éditions de poche aux éditions originales ? Pourquoi ? - Je préfère les poches parce qu'ils sont plus faciles à emporter.

    13)Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ? - Assis.

    14)Vos lectures sont-elles commentées « crayon à la main » ? - Non.

    15)Offrez-vous des livres ? - Oui. (Bien que je lise rarement ceux qu'on m'offre).

    16)La plus belle dédicace ? (Qu'elle soit de l'auteur ou de celui/celle qui vous l'offrît) - La plus récente.

    17)Quel est votre rapport sensuel au livre ? (son odeur, sa texture, le son des pages tournées, …) - Je n'aime pas l'idée qu'on puisse aimer un livre pour son odeur, sa texture, son bruit.

    18)Quel(s) est (sont) le(s) auteur(s) dont vous avez lu l'œuvre intégrale ? - Pas l'intégrale mais par séries, assez naturellement, cherchant à prolonger le "plaisir" d'une lecture ; récemment : Jaccottet, Machado de Assis, Coetzee.

    19)Un livre qui vous a particulièrement fait rire ? - Le Brave Soldat Chveik, de Hasek.

    20)Un livre qui vous a particulièrement ému ? - La mort de Snorri Sturluson, dans la Saga des Sturlungar.

    21)Le livre qui vous a terrifié ? - Auto-da-fé, de Cannetti.

    22)Le livre qui vous a fait pleurer ? - Les livres ne me font pas pleurer (même pas, sans la musique, Pelléas et Mélisande).

    23) L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ? - Salut (Le poème que Mallarmé a placé en exergue de ses Poésies).

    24)Le titre le plus marquant / original / décalé / astucieux ?- La Méprise de Nabokov (mais je ne sais pas quel est le titre d'origine).

    25)Décrivez votre (vos) bibliothèque(s). - 1m20 sur 2m50. A raison d'une cinquantaine par rayon, environ 400 volumes. Souvent réarrangée et élaguée pour éliminer le trop-plein.

    26)Le(s) livre(s) dont vous vous êtes finalement débarrassé(s) ? - Très nombreux : dernièrement, les Carnets de Léonard de Vinci.

    27)L'endroit le plus insolite où vous lisez ? - Rien d'insolite.

    28)Il ne vous reste que trois jours à vivre, que souhaitez-vous lire ou relire ? - Je crains de ne pas avoir la tranquillité d'âme qu'il faudrait.

    29)Votre livre d'art préféré ? - L'Arrière-pays, de Bonnefoy.

    30)La bibliothèque idéale ? - Semblable aux Essais de Montaigne.

    31)L'incipit qui vous a le plus marqué ? - Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

    32)La fin qui vous a le plus marqué ? - La fin de la Vie de Henry Brulard (que je confonds avec la fin du Hussard sur le toit :) "Il était fou de bonheur".

  • Epigraphe / aube

    Tu cherches une épigraphe pour commencer un nouveau cahier de ton journal. Tu compares le fil du temps avec le cours d’un fleuve : par une sorte de calembour, une citation avec le mot Nil semble nécessaire. J’ouvre un recueil de Guérin pour y retrouver le texte qui, je crois, pourra convenir. Un autre passage m’arrête : ce sont les dernières lignes d’une lettre. La conclusion est ordinaire, triviale, mais je lis maintenant avec difficulté les quelques phrases qui la précèdent : elles sont pleines d’incises et de redites, qui s’insinuent jusque dans certains mots et leurs syllabes redoublées. Les corrections successives s’ajoutent dans un brouillon dépourvu de ratures ; elles s’insèrent entre deux propositions et décalent la suite ou l’effacent en partie. Le jeu continue en ce moment même sur la page. 

    Quand on sort, le jour se lève seulement. C’est qu’il fait noir plus longtemps, les jours ont désormais bien commencé à raccourcir. On contourne les bâtiments plongés dans l’ombre. Quand on entre dans la cour, la vue est dégagée à droite au-dessus de la prairie et embrasse un grand pan de ciel rose. La même teinte exactement se retrouve dans le champ en deçà, luisant dans l’obscurité, comme si la couleur liquide avait coulé trempant les buissons de fleurs.