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  • Holiday

    Holiday, de Cukor.

    Une enfance trop prolongée se termine et, en se retirant, laisse deviner la désolation à venir. Les deux soeurs, Julia et Linda, et leur frère, Ned, découvrent combien leur caractère et leurs espérances les séparent. Ils s'accordent sur un seul point, le temps du film : leur amour pour le bel étranger qui fait irruption dans la grande maison. (Pour Ned, cet amour est si distant qu'il n'existe peut-être pas, quoiqu'il se révèle justement dans la mesure où on n'en voit rien : le soupçon vient de l'extrême réserve qui marque ses relations avec Johnny).

  • Images de Laon

    (...) au sommet de la colline de Laon la nef de la cathédrale (...) posée comme l’Arche du Déluge au sommet du mont Ararat, emplie de Patriarches et de Justes anxieusement penchés aux fenêtres pour voir si la colère de Dieu s’est apaisée, emportant avec elle les types des végétaux qui multiplieront sur la terre, débordante d’animaux qui s’échappent jusque par les tours où des boeufs, se promenant paisiblement sur la toiture, regardent de haut les plaines de Champagne. (Proust)

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    (Les bœufs juchés de Laon n’ont peut-être pas d’autre justification que de marquer la solidité de tours et d’exalter, par contraste, la légèreté des colonnes qui les soutiennent, indiquant qu’il y a assez de sol là-haut pour que le plus gros des animaux puisse marcher ; la prouesse équivalait à faire monter la moins agile des bêtes plus haut encore que le sommet de la colline, comme les pierres qu’elle aida à porter, en plein ciel).

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    Enchâssement de formes semblables : les tours sont creuses ; à la façon d’échauguettes, des édicules ouverts bâtis sur des colonnes sont disposés aux angles, qu'ils évident. Les tours elles-mêmes, aux extrémités du transept et du portail principal, tracent un quadrangle échafaudant l’espace au-dessus de la cathédrale.

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    (Photos VP.)
  • Madame de Mortsauf et la Zambinella

    Un des plaisirs de la (re)lecture de Sarrasine de Balzac est sa forme même, qui a quelque chose d’exemplaire (on aimerait pouvoir dresser une liste d’œuvres qui obéissent au même schéma). Deux parties : la description d’une scène (la soirée chez les Lanty) suivie par un récit (le narrateur raconte à la marquise la vie du sculpteur Sarrasine) ;  la division correspond à la marche de la nouvelle : d’abord la formulation d’une énigme, puis sa résolution. (La scène est le lieu de l’énigme, le récit est le discours de l’élucidation).

    Le Lys dans la vallée ne suit pas le même canevas. Mais il y a quelques points de ressemblance. Le roman se présente comme la longue (et invraisemblable) missive adressée à Natalie de Manerville par Félix de Vandenesse et se termine par l’ironique fin de non-recevoir écrite par Natalie en réponse à la copieuse confession de Félix. Félix et le narrateur de Sarrasine espèrent séduire leur auditrice avec l’histoire qu’ils leur racontent et tous les deux échouent. On pourrait trouver quelques points communs entre Félix et le sculpteur Sarrasine, également (s’il est permis) entre la vertueuse Madame de Mortsauf et le castrat Zambinella. Au commencement du Lys il y a aussi une scène presque fantastique et fondatrice : lors d’une fête donnée pour le retour des Bourbon, le jeune Félix se jette sur les épaules d’une inconnue, qui est Madame de Mortsauf, pour les embrasser. (De même que dans Sarrasine, la marquise touche brutalement l’étrange vieillard, qui est Zambinella, provoquant son cri).

  • Ecrit sur le vent

    Written on the wind, de Sirk.

    Un paradoxe trouble le mélodrame : il ne faut pas chercher les victimes parmi les braves gens, honnêtes, droits et dévoués ; ce sont les monstres qui souffrent et sont humains. Une bizarre anesthésie nous empêche de compatir aux douleurs de Mitch Wayne et de Lucy Moore. Elle cesse pour les Hartley, frère et soeur, richissimes héritiers du pétrole texan qui, apparemment, les persécutent mais que les deux souffre-douleur finiront par abattre. (Comme dans les romans de Henry James, la pureté s'avère quelquefois plus féroce que la dépravation).

  • Inondation

    Vu d'avion, le pays paraît relever d'une inondation, gorgé d'eau, rempli de flaques laissées par le reflux. Les canaux découpent les champs en longues lanières ; ils ressemblent à des sillons ou des ornières submergés. Les lacs ont l'air un peu plus hauts que leur rive, sur le point de se répandre, retenus seulement comme une goutte par la tension superficielle. Au milieu des eaux grises flottent une prairie, un bouquet d'arbres, la campagne comme des nénuphars.

  • Double rivage

    Devant nous les profils échelonnés de montagnes, perpendiculaires à la côte. Chaque forme bleue se découpe contre le ciel, nette et sombre. Sous la ligne de crête, la couleur pâlit à mesure de la profondeur ; la base est brume. Plus haut un large banc de nuage arrêté par les montagnes marque un rivage incertain dans les hauteurs. Apparaît, sous-jacent, le métal de la mer, éblouissant au soleil. (Surface sans bord, image éclatante de l'illimité comme le profil des monts est la forme la plus pure de la ligne).