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  • Aéronefs

    C’est encore Noël, en famille. Dans le ciel passent des aéronefs. Un dirigeable avec, suspendu au bout d’un fil, un avion de ligne. L’avion allume ses réacteurs. Le câble se détache.

    La ville d’A. Poursuite. Pas un taxi ne s’arrête. On prend le petit train touristique. On passe la première ceinture de boulevards. La deuxième. Mais, au-delà, au lieu des champs, c’est la mer. C’est trop beau ! La mer ! jusqu’alors, la plage la plus proche était à cinquante kilomètres de la ville. Je vois la falaise effondrée, les dunes, les mares grises en arrière du rivage. Comme des cerfs-volants que les enfants font évoluer dans le vent, passent en l’air deux hélicoptères et même une soucoupe volante.

  • L'amour est plus froid que la mort

    Samedi au cinéma, Fassbinder.

    Le jeune homme qui joue un tueur est assis par terre. La fille qui joue une pute vient s’allonger contre lui. Sur le dos, la jambe un peu ployée, elle étend les bras en arrière. Il défait un premier bouton. Un deuxième. Il fait glisser un pan du vêtement. Dévoile un sein nu. Elle éclate de rire et se relève. Le troisième qui joue le maquereau s’approche et : pan sur la gueule ! il ne veut pas qu’elle se moque de son ami.

     

  • Ce que disait Robert

    Vendredi soir au Concert, à la Maison de la Radio

    De là où je suis placé je vois l’orchestre de biais. Chaque groupe d’instruments isolé et ensemble comme les phrases superposées du thème échafaudé à travers l’orchestre jusqu’au coup de gong. Et le suspens énigmatique de la trompette finale comme le mystère de toute musique qu’on ne connaît pas.

    Première à Paris, si j’ai bien compris, soixante-dix ans après Vienne, de la quatrième symphonie de Franz Schmidt. Avant la seconde partie, grande agitation du couple dans la loge d’à côté : qu’est-ce que Robert en a pensé ? Le malheur, c’est qu’ils ont eu son avis séparément pendant l’entracte ; et ils ne sont pas d’accord. (Stendhal : en France, pour savoir si j’ai eu du plaisir, je demande à mon voisin).

    Que disait Robert ? Restons avec Stendhal : à propos de Paestum où il n’a paraît-il jamais mis les pieds, « il y aurait trop de choses à en dire, et des choses trop difficiles à comprendre ». C’est comme ça que j’imagine l’avis de Robert.

    Ensuite le premier concerto pour violon de Chostakovitch. « Le bonheur à coups de marteau ».

  • Faire rimer rose et morose

    Jeudi soir au concert, à l’opéra Bastille.

    C’était  :
    - Orion, de Saariaho. (Je peux entendre à la rigueur la nuit d’hiver… mais une constellation ? cette musique, comment pourrait-elle s’élever à la puissance du ciel étoilé, être aussi belle qu’Orion ?)
    - Schéhérazade. (N’est-ce pas ce que Ravel a fait de mieux ? Le texte est suffisamment en retrait pour laisser à la musique la meilleure part, la rêverie et l’humour.)
    - Le Poème de l’amour et de la mer, de Chausson. (Pour le cri des mouettes après le premier poème (Faites-moi voir …) ; et la chanson sentimentale de l’interlude. Mais la musique et les vers s’enfoncent mutuellement la tête sous l’eau. Pour faire rimer rose et morose, préférer Baudelaire : Vous êtes un beau soir d’automne clair et rose / mais la tristesse en moi monte comme la mer …)
    - Rondes de printemps, de Debussy. (Quelque part entre deux. Moins bien que Fêtes et mieux que Jeux.)

  • Arabella 6

    Mardi soir, au Châtelet. Dernière d'Arabella.

    Ultime réplique d’A : à Mandryka qui lui demande de ne pas changer, Arabella répond par une lapalissade : « je ne peux pas devenir une autre que moi-même ».

  • L'infini derrière la haie

    L'infinito, de Leopardi.

    Il est assis dans l’herbe, au sommet d’une colline. Une haie cache toute vue de la terre.  Il n’a devant lui que ce feuillage à quelques pas et à l’infini un ciel sans nuages. Il imagine le vide dans l’entre-deux. Manque le paysage, ordonné dans l’éloignement, selon les lois de la perspective. L’univers familier disparaît dans cette lacune, dans l’immensité.

    (On pourrait avoir une sensation pareille de vertige dans sa chambre, allongé par terre, levant les yeux vers la fenêtre grande ouverte, qui ne découpe que le ciel. Le cadre vide à contre-jour devient l’orbite plus grande de l’œil. Je ne suis qu’un « pur regard » suspendu dans le vide lumineux. Sauf qu’entre de l’été dehors une grosse mouche).

    Il constate alors le bruit du vent dans les feuilles. Il compare ce qu’il entend à ce qu’il voit. Le frémissement tout proche, c’est le présent. L’immensité au-delà, c’est le passé silencieux et sans borne. De même que son corps s’est perdu dans l’infini, sa pensée, le présent, se perd dans l’éternité.

  • La troisième génération, de Fassbinder

    Lundi soir, au cinéma.

    Où trouve-t-on les terroristes ? la plupart du temps, chez l’un d’entre eux ; tous réunis dans un grand appartement, comme dans la Chinoise de Godard.