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Mes bouquins refermés - Page 154

  • Dans le métro

    Je suis avec S quelque part dans le sud de Paris. Sur le plan du métro, au mur, ça se situe vers la Gare Montparnasse. On veut aller au nord, en un lieu, selon ce même plan, proche de la Place Clichy. Je montre la ligne directe. S préfère le détour. Je propose par l’ouest, la 6 et la 2. On changera à la station Charles-de-Gaulle. Je me reprends : on changera à l’Etoile.

    Les escaliers du métro débouchent dans une caverne. Une espèce de cheminée naturelle, inclinée, à travers une pierre terreuse et friable. A droite au fond on aperçoit les quais et les voies. A gauche une ouverture fermée par une grille donne sur le jour. Bien sûr les gens se sont servis du recoin comme d’un urinoir, ça ne sent pas très bon. Le ruissellement a creusé la terre au milieu du chemin.

  • Boris Godounov

    Mercredi soir, à l’Opéra Bastille. Boris Godounov.

    Si toute l’histoire de l’opéra n’existe que pour aboutir à Pelléas et Mélisande, Boris Godounov doit y figurer en bonne place.

    Oubliez le peuple russe, le christ russe, l’apocalypse russe et les polonais – le vieux moine, c’est Arkel, l’innocent, c’est Mélisande, le tsarévitch qui est mort, c’est Pelléas, Boris, c’est Golaud. Ou mieux, la mort de Boris, c’est la mort de Mélisande. Et c’est aussi pour les orphelins du tsar, qu’elle dit, non sans cruauté « elle est petite, elle ne rit pas, elle va pleurer aussi, j’ai pitié d’elle ».

  • L'homme qui n'a pas d'étoile, de Vidor

    Mardi soir, au cinéma. L’homme qui n’a pas d’étoile, de Vidor.

    Le meilleur moment, c’est quand tous les fils de l’intrigue se nouent. 
    Une petite ville de l’Ouest. Un ranch est repris par un nouveau propriétaire. C’est une femme, elle arrive de l’est. Elle a fait venir cinq milles têtes de bétail supplémentaires sur les terres communes. D’ici trois ans les ressources en fourrage seront épuisées, mais elle liquidera son troupeau avec un beau bénéfice et partira recommencer ailleurs. Les autres fermiers, plus petits, plus anciennement installés réagissent. Pour se protéger, ils commencent à poser des fils de fer barbelés dans la prairie ouverte. La capitaliste alors embauche une bande de texans sans foi ni loi ; ils font régner la terreur et abattent les clôtures. La lutte commence ; notre héros se retrouve au milieu.

    Or, si notre héros est par définition (c’est écrit sur son corps) l’homme que les barbelés révulsent, il refuse tout autant la violence déloyale. Il devrait donc planter là les deux partis, il n’y aurait pas d’histoire.  Mais, son « son fils », « son frère », un gosse, est aux mains de Circé. Elle le perd, le poussant dans la voie du crime. Voilà pourquoi notre homme laisse passer huit trains. Phase classique du héros pris dans une contradiction insoluble : sommeil, folie, somnambulisme. Il se réfugie au bordel, se bourre la gueule, se laisse humilier jusqu’au point où …

  • La chambre pas même chauffée

    Le vent souffle du nord. La nuit a été froide. Dans notre chambre, sur le parquet, sous le lit, sur les vitres, on trouve des plaques de glace, très blanches, légères, couvertes d’aigrettes de givre. Je les recueille dans un bassin en métal brillant. Je veux les apporter au savant qui loge de l’autre côté du couloir. Mais sa chambre donne au sud, la différence de température suffit pour que la glace s’évapore. Va-t-il nous croire ? Oui car il reste au fond une dernière plaque translucide sous le givre qui a fondu. Il la prend entre ses doigts.

    Je me retiens pour ne pas citer les derniers mots de la chanson de Bilitis : « il prenait de grands morceaux froids et les soulevant vers le ciel pâle, il regardait au travers » ; qui sont une reprise, sauf le sens, des grappes de raisin sucées par le Faune.

  • Le monde à l’envers

    Une maison avec une arrière-cour et une terrasse. C’est ici qu’habitent mes amis K et S. Grande réunion. Une table est dressée dehors pour le déjeuner. K veut me montrer quelque chose. Je vais être mort de rire. On s’isole dans un coin du salon devant un ordinateur portable. C’est une séquence de film. « Le monde à l’envers ». Des animaux rigolards comme dans un dessin animé conduisent une petite voiture ; ils se promènent dans un parc zoologique. Derrière les grilles au loin dans la végétation on aperçoit des hommes. Je ne trouve pas ça drôle. K ne comprend pas.

  • M

    Lundi soir, au cinéma. Revu M Le Maudit, de Lang.

    Je ne me souvenais pas de grand chose : la plongée sur la cage d’escalier déserte ; Peter Lorre ; le procès organisé par la pègre ; la conclusion politiquement incorrecte du scénario.

    Ce qui ressort pourtant, c’est la vision documentaire de la société. La femme au foyer, l’agent de police, le mendiant, le ministre, le chef de la police, la prostituée, la tenancière, le graphologue … : les « types humains» comme sortis des photos d’August Sander (mêmes modèles), saisis dans leur environnement professionnel ou domestique, avec leurs instruments, leurs accessoires, leur panoplie, jusqu’à la caricature. Hommes pris dans la foule ou dans les organisations parallèles de la police et de la pègre. Par contraste, le personnage le plus individualisé, le plus humain, c’est le monstre. Marqué d’un M, sorti de l’anonymat de la foule, du contexte protecteur, terrifié par son reflet dans un miroir, par une vitrine animée (spirale comme un tourbillon, flèche comme un couperet), par un ballon.

  • Gloria Grahame

    Dimanche soir, au cinéma.

    Les ensorcelés, de Minnelli.

    Gloria Grahame, plutôt que Lana Turner. Avez-vous vu Gloria Grahame dans le Violent de Nicholas Ray ?