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Diversion - Page 4

  • Les voix extérieures

    La Glyptothèque de Copenhague jouxte le parc d'attractions de Tivoli. L'été les hurlements des passagers du grand-huit s'entendent par les fenêtres ouvertes dans la galerie des antiques. Ils prêtent leur cri aux gorges des Niobides et de Niobé que tous les efforts du marbre n'avaient pu rendre sonores.

  • Strasbourg

    Le premier trait de la Cathédrale de Strasbourg, c'est sa matière : le grès rose, solide et jeune, dont l'apparence, sous la ressemblance des formes, contredit le calcaire des grandes cathédrales françaises plus ou moins poreux et toujours, malgré les reconstructions, érodé et sali.

    Quand on débouche sur le parvis, l'édifice dresse sa masse formidable devant la ville. Les maisons qu'il domine lui sont justement proportionnées (et, à plus grande échelle, la cité paraît avoir eu le souci des rapports et banni les constructions en hauteur qui nuiraient). Mais, derrière cette façade, quand on la contourne, la nef semble bien petite. La mesure initiale a été faussée par les extensions successives du massif occidental (le beffroi et puis la flèche). Le bloc semble bien plutôt dialoguer, quand on y monte, avec les hauteurs de la Forêt Noire ou des Vosges qu'avec le vaisseau dont il marque l'entrée.

    Le massif occidental se disjoint du reste de l'édifice, il dresse un mur (le carreau de la façade) et un élancement (la flèche). Ses ornements eux-mêmes sont, pour partie, étrangement rejetés hors de la masse. Les colonnes et arcatures qui décorent la façade forment devant elle une grille (raccrochée au mur plein et nu par des jonctions peu visibles). Quatre escaliers extérieurs flanquent le corps de la flèche, détachés d'elle. L'une limite et les autres s'élèvent, réitérant le double mouvement.  

  • Grenade

    La ville est bâtie au pied de la montagne ; et les neiges du Mulhacén sont au-dessus d'elle comme le signe de la nuit d'hiver suspendu tout le jour parmi les avant-coureurs du printemps (Les eaux de fonte ruissellent dans la ville, la lumière détaille le grain de la terre nue et les anfractuosités, dénombre les fleurs blanches dans les arbres sans feuilles).

  • La Grande Terrasse (2)

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    (Photo VP).

    (Que le ciel est vaste au-dessus de la terrasse de Saint-Germain ! Le regard s’adosse à la masse des arbres, comme les terrassements s’appuient au rebord du plateau, et voit l’espace ouvert par-dessus le fleuve. Au bout de la promenade, un bosquet a été planté et taillé pour former un cercle : non pas le point qui termine une phrase mais l’oculus, percé en haut d’une voûte, qui fait lever les yeux au ciel. A l’autre extrémité de l’axe, le soleil bas de janvier semble refermer l’espace.)

  • Palais de Gênes

    La montagne et la mer sont la presse énorme où la ville a grandi. Son action se retrouve dans les prestigieux palais de la Strada Nuova. Chaque époque a forcé un passage à travers l'élément comprimé de la ville : les palais ne sont pas disposés aux limites d'une place ;  leur façades s'alignent sans recul le long d'une percée rectiligne et fermée ; on ne les voit que de profil comme les architectures dans les Noces de Cana de Véronèse. Elles paraissent trop hautes à la mesure de la rue (même si la saillie des toits ne va pas jusqu'à en couvrir toute la largeur comme elle le fait en certains endroits de la vieille ville). Mais la merveille de ces palais est souvent dans l'espace qu'ils ménagent en leur sein selon la double contrainte de l'exiguïté et de la dénivellation : les escaliers majestueux et les cours bordées de portiques solides, régulières et aériennes.

  • Limites

    Pièces courtes : paraissent encore trop longues. Non qu'elles soient dépourvues de détails superbes. Mais cette beauté ponctuelle dépend de sa concision et ne peut être développée. Ces détails ne pourraient exister sans le matériau qui les soutient car ils tendent, par leur brièveté, à l'invisible. L'éclat ne se révèle que selon une monture de pacotille ; mais lui devant l'existence il la menace ; sa concentration dénonce le délayage, le rapiècement et l'ennui du tout. L'un et l'autre, passés à la limite, s'annihilent : le raccourcissement de l'un jusqu'au point où il ne peut être entendu ; le rallongement de l'autre jusqu'au bruit de fond, au silence.

  • Marly

    Les bâtiments de Marly ont été détruits ; mais le site a été rétabli avec ses terrasses, ses dénivellations, quelques-uns des bassins et des allées. Les collines et les bois ferment l’étroit vallon ; il n’ouvre que du côté où il descend en donnant en balcon sur la plaine. Vus du parc, les voies d’accès et l’axe dégagé à l’arrière se terminent en haut de la pente, sans perspective. La disposition du lieu choisi et transformé par le roi est fortement orientée : selon l’axe nord-sud, et sa perpendiculaire est-ouest, ouverte au nord (à l’inverse d’un palais chinois) et close dans les autres directions. La splendeur des parcs et châteaux de Louis XIV n'évoque rien de sacré. Mais ici on croirait qu’un géomancien a décidé de l’arrangement d’un temple habité par un roi-mage. (Le monarque se protège par les forêts et les hauteurs des influences néfastes de certains quadrants de l’horizon. Il organise et retarde par des conduites forcées et des miroirs la fuite des eaux vers le Nord. Il  s’occupe peut-être, se cachant du soleil à son lever et à son coucher, de faire tourner la terre sur l’essieu polaire.)