Vers 1521 un nouveau protagoniste apparaît dans l’Histoire d’Italie : le récit ne quitte pas la troisième personne mais l’auteur lui-même fait son entrée, discrètement, sans annonce, Francesco Guiccardini, commissaire aux armées pour le compte du pape Médicis. Le fond reste le même : le Roi, César et leurs alliés mènent des campagnes mal décisives dans le champ de bataille d’Italie, les armées déambulent entre Milan et Gênes, Crémone, Parme ou Pérouse et, à leurs marges, des tyrans indigènes reprennent ou perdent la cité divisée qui les appelle et les chasse. Mais le récit de l'historien dont la tâche est de rendre l'ordre des faits établis et advenus se trouble d'obscurité, d'incertitude et d'occasions manquées. Les troupes se frôlent sans se rencontrer, les délibérations sont maculées de rumeurs, le peu de raison et la disette d'information faussent les décisions.
Et par le fait de la présence du témoin, il semble qu’une vitre a été ôtée ; le souffle de l'éventuel et la puissante odeur du réel montent jusqu’à nous. Les routes sont défoncées et ne permettent pas le passage de l'artillerie ; un camp est établi puis levé ; l'avant-garde traverse l'Adda en pleine nuit sur deux barques chargées au dernier point ; le condottiere lance son cheval dans le fleuve :
Sans nul autre aiguillon que son propre courage et que sa très grande soif de gloire, Jean de Médicis traversa le fleuve sur son cheval turc, qui nagea dans l'eau profonde jusqu'à la rive opposée, ce qui suscita à la fois la terreur chez l'ennemi et le réconfort parmi les troupes amies.
Aux abords de Milan, un inconnu prévient que la ville est prête à se révolter pour aider les assaillants.
Ce matin-là, un événement remarquable survint, alors que les légats et les principaux chefs de l'armée s'étaient arrêtés dans un pré, non loin de Chiaravalle, afin de laisser passer les Suisses : un vieillard survint, qui par l'apparence et la vêture semblait homme du peuple, et qui, affirmant avoir été envoyé par les habitants de la paroisse de San Siro, les priait à grands cris d'avancer, parce que les habitants de cette paroisse et tous ceux de Milan avaient reçu l'ordre, aussitôt que l'armée serait proche, de prendre les armes contre les Français au son des cloches de toutes les paroisses. Ceci apparut comme un véritable prodige, parce que, quelque effort qu'on fît pour le retrouver, on ne put jamais savoir qui était l'homme ni par qui il avait été envoyé.
Toute une nuit le conseil de Parme délibère s’il doit ou non ouvrir la ville aux Français (et le gouverneur sait qu’en prolongeant le débat il retient les habitants sur la pente de la reddition, les chances grandissent que la réalité des forces en présence se dévoile et que, par la résistance du peuple détrompé, la ville soit sauvée).
De la sorte tantôt en parlant en parlant en particulier avec nombre d'entre eux, tantôt en discutant avec eux tous, et tantôt en gagnant du temps à faire le tour des remparts ou à se consacrer à d'autres préparatifs, il les retint toute la nuit (...)