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  • Début (et fin) de Casamassima

    Le début de The Princess Casamassima de James rappelle les ouvertures des romans de Dickens : le livre et le héros commencent pour ainsi dire ensemble, accédant à l’existence dans une seule irruption : le monde se saisit du héros et le héros surgit dans le monde ; la convocation instaure un dilemme que la suite s’ingéniera à faire résonner jusqu’au règlement final. (C’est le schéma archétypique, si l’on veut, du Procès de Kafka).

    Ici la force préhensile a les traits de la terrible Mrs Bowerbank, gardienne de prison de son état, trop massive pour le pauvre salon de Miss Pynsent  à qui elle est venue apporter une odieuse nouvelle : la mère au moment de mourir voudrait voir une dernière fois son enfant. Alors que la modiste a envoyé chercher le petit garçon qu'elle a recueilli pour le montrer à sa visiteuse, les deux femmes discutent le cas, qu'elles récapitulent ainsi : la mère est une meurtrière, elle a tué un lord, l’enfant est le fruit de leur liaison illégitime et la raison du crime.

    Cependant il faut bien avouer que Miss Pynsent a caché à son pupille la moitié de l'histoire : elle a suggéré une ascendance aristocratique, mais elle ne lui a rien dit de sa mère en prison. Que faire ? La morale et  la logique veulent qu’on rétablisse l’équilibre : l’enfant ira faire la dernière visite ; mais, ce faisant, ce n’est pas seulement la symétrie qu’on restaure, c’est la contradiction qu’on installe au cœur de l’existence même du malheureux Hyacinth Robinson.

    (A la fin du roman, soumis aux ordres d’un groupe terroriste, le prolétaire Hyacinth doit assassiner un grand personnage ; le dernier argument qui le retient est celui de la répétition : il ne peut recommencer le geste de sa mère. Puisqu’il incorpore en quelque sorte les deux côtés du problème, la solution est à trouver en lui-même.)

  • Britten, Chostakovitch

    Salle Pleyel : Illuminations de Britten, Huitième de Chostakovitch.

    (Hormis celle-ci, je ne connais pas de mises en musique de Rimbaud et l’expérience ici est plutôt rebutante : d’autres poèmes, ceux du Cahier de Douai, iraient peut-être mieux mais la prose des Illuminations est particulièrement rétive.  A la lecture du texte, l’accompagnement de cordes sonne étriqué et douceâtre, et le propos paraît trivial ; ou bien les phrases font bloc et la musique n’y entre pas).

  • Lulu

    A l'opéra Bastille.


    (J’ai beaucoup écouté Lulu autrefois. C’est sans doute le premier enregistrement d’opéra que j’ai fréquenté. En 1990, je trouvais que le motif de l’amour de Lulu pour Schön était la plus belle musique du monde. On l’entend d’abord, je crois, sous forme de mélodrame à la scène 2 du premier acte, j’en pourrais encore réciter les paroles :

    Meines Mannes ? Wenn ich einem Mann auf dieser Welt angehöre, gehöre ich Ihnen. Ohne Sie wäre ich – ich will nicht sagen wo. Sie haben mich bei der Hand genommen, mir zu essen gegeben, mich kleiden lassen, als ich Ihnen die Uhr stehlen wollte. Glauben Sie, das vergisst sich? Wer außer Ihnen auf der ganzen Welt hat je etwas für mich übrig gehabt?

    Comme morceau symphonique, tristano-malhérien, elle sert d’interlude à la fin de cette même scène. Mais le rideau est baissé pour le changement de décor ; une partie du public considère alors que son attention est facultative et parlotte avec son voisin. Cela gâche un peu l’effet de ce grand bramement exaspéré, désir qui embrasse le vide, élan qui s’évapore avant d’étreindre : mais, patience ! on l’entendra encore avant la fin de la soirée.)

  • Tannhaüser

    A l'opéra Bastille.

    (A la fin du deuxième acte le simple cri « Haltet ein » d’Elisabeth suffit à clouer tout un chœur d’hommes braillards et à suspendre la sentence de mort. Mais le plus beau vient au troisième acte avec ce grand nocturne initial que le chœur des pèlerins traverse mais ne  dérange pas.  Les ressorts de l’intrigue sont dissous dans un lac d'amertume et de sourde attente. La romance de Wolfram et la prière d’Elisabeth y flottent comme deux vaisseaux désarmés et sans erre, avant que le formidable récit de Rome ne vienne emporter l’opéra vers sa conclusion facultative.)