A l'Opéra Bastille.
A propos de miroirs :
- Un reflet déformé : au début du troisième acte, le Baron Ochs fait venir dans un salon particulier la camériste de sa cousine. Il y a un lit derrière le paravent et la boisson est abondamment prévue. Mariandel refuse d'abord de boire ; mais bientôt elle vide coupe sur coupe. Cependant, au grand dépit du baron, la jeune fille, qui a le vin triste, se met à sangloter et pleurniche sur la brièveté de la vie :
Wie die Stund'hingeht,
wie der Wind verweht,
so sind wir bald alle zwei dahin.
Menschen sin' ma halt,
richt'n's nicht mit G'walt.
Weint uns niemand nach,
net Dir net, und net mir.
Le temps coule et nous n'y pouvons rien. Octavian, sous le travestissement de Mariandel, veut-il parodier avec un savoureux accent viennois le grandiose monologue de la Maréchale sur la fugacité des choses humaines, qu'il a dû subir au premier acte ?
- l'accès de mélancolie de la Maréchale est déclenché par son propre reflet dans le miroir de la coiffeuse. Tête à tête sombre et limpide / Qu'un coeur devenu son miroir ! Miroir, image de la conscience qui permet aux hommes de voir l'invisible, le temps, pour leur malheur. Le temps coule comme un sable immatériel à travers tout être et toute chose, même l'invariable miroir :
Die Zeit...
Sie ist ums uns herum,
sie ist auch ins uns drinnen.
In den Gesichtern rieselt sie,
im Spiegel da rieselt sie,
in meinen Schläfen fliesst sie.
(Ces vers me font penser à un passage de l'Eventail de Madame Mallarmé : )
...derrière
Toi quelque miroir a lui
Limpide (où va redescendre
Pourchassée en chaque grain
Un peu d'invisible cendre
Seule à me rendre chagrin)