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L'aube fausse

David Copperfield, puni, reste consigné cinq jours de rang dans la solitude de sa chambre :

The length of those five days I can convey no idea of to any one. They occupy the place of years in my remembrance. The way in which I listened to all the incidents of the house that made themselves audible to me; the ringing of bells, the opening and shutting of doors, the murmuring of voices, the footsteps on the stairs; to any laughing, whistling, or singing, outside, which seemed more dismal than anything else to me in my solitude and disgrace--the uncertain pace of the hours, especially at night, when I would wake thinking it was morning, and find that the family were not yet gone to bed, and that all the length of night had yet to come (...) all this appears to have gone round and round for years instead of days (...).

L'enfant se réveille en pleine nuit ; des signes trompeurs lui font croire que le matin est arrivé ; quand il comprend son erreur, et combien le jour est loin encore, le temps, une éternité de malheur, semble l'écraser. Il y a une minute semblable au début d' A la recherche du temps perdu :

C'est l'instant où le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour. Quel bonheur, c'est déjà le matin ! Dans un moment les domestiques seront levés, il pourra sonner, on viendra lui porter secours. L'espérance d'être soulagé lui donne du courage pour souffrir. Justement il a cru entendre des pas ; les pas se rapprochent, puis s'éloignent. Et la raie de jour qui était sous la porte a disparu. C'est minuit ; on vient d'éteindre le gaz ; le dernier domestique est parti et il faudra rester toute la nuit à souffrir sans remède.

(Aube fausse dont je garde le souvenir, je ne sais pourquoi, et qui m'arrête encore quand je la retrouve réalisée, transportée comme en un mythe, dans les cieux :

Ils regardaient l'horizon, le ras du ciel, ils se taisaient, ils ne pouvaient plus détacher leur pensée de ce point où la route perçait la masse noire, indécise.
Et voici qu'une rougeur y parut, soudain, un peu à gauche de l'en-avant de la route, là où tout de même, depuis un moment déjà, le sol se gonflait, à n'en pas douter, se hérissait de bosses et, qui sait, de creux, avec peut-être de l'eau. La rougeur s'acrut, elle élargit sa prise sur l'horizon, des taches de clarté intense, comme d'un feu, s'y firent jour, et le ciel autour d'eux en était déjà presque rose -- eux, ils purent se regarder les uns et les autres, dans la voiture, il y avait de ce rose sur leur visage.
Mais la crête enflammée du soleil tardait à paraître. Et au bout de longues minutes la rougeur, qui n'augmentait plus, commença à plutôt décroître puis le fit avec évidence, la flamme qui y bougeait redevenant cendre pourpre, qui s'éteignit. La clarté disparut au ras de ces collines enchevêtrées entre le ciel et le monde. Et ce fut à nouveau la grande nuit d'avant, sans étoiles.

Yves Bonnefoy - Jeter des pierres, in Les Planches courbes)

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