Au Théâtre des Champs-Elysées.
Les deux oeuvres jouées, la Suite sur des poèmes de Michel-Ange et la Quinzième Symphonie font partie des dernières composées par Chostakovitch ; elles diffèrent plus par leur ton que par leur musique. La première porte une parole et fait figure de testament ; la seconde, sans mots, reste sans commentaire.
Dans la Suite, la voix est sombre, étouffée mais son chant plein d'aplomb. L'homme de génie est orgueilleux et amer, ennemi de son temps et sûr de son art. Michel-Ange parle russe ; malgré le livret, je ne peux pas suivre. Cependant la paraphrase du vers (où Michel-Ange donne la parole à sa Nuit du tombeau des Médicis) :
Caro m'è 'l sonno, e più l'esser di sasso
s'accompagne, je crois, d'une citation de la Quatorzième Symphonie : il s'agit du passage qui met en musique la Mort du poète, de Rilke - derrière ces mots-ci, ceux-là. La Nuit, le sculpteur, le poète et Chostakovitch : que d'alter ego convoqués dans l'ombre !
La Suite débute par une fanfare qui sera répétée plus loin. Fanfare de marbre, solennelle et nue, elle confond les trompettes d'un Jugement dernier et celles embouchées par la Renommée. Elle sonne la gloire et ouvre à la Vie éternelle.
La dernière pièce, par contraste, agrémente l'immortalité d'un air guilleret et carillonnant. La Quinzième Symphonie commence par un air semblable et presque railleur confié aux flûtes. Elle se conclut dans une même allégresse énigmatique frappée par les percussions. Entre-temps on a entendu des collages de musiques de Rossini (comme dans Jeu de cartes de Stravinski) et de Wagner qui donne aux autres épisodes des apparences de pastiche ou de parodie.