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Mes bouquins refermés - Page 66

  • Falling man

    (Au tout début du roman, Keith émerge du nuage de poussière provoqué par l'effondrement de la tour Sud du World Trade Center le 11 septembre 2001. De même qu'il fallait attendre la fin de Underworld pour connaître le secret qui pesait sur la vie de son personnage principal, de même ce n'est que dans les dernières pages, terribles, de Falling man que nous entrons au coeur de la catastrophe : avant cela, on ne fait qu'entrevoir ou deviner les images et les souvenirs cachés qui bouleversent l'existence de Keith. Mais ici l'événement lui-même n'a évidemment rien de secret ou de seulement intime : il intéresse tout le monde ; il est rejoué sans cesse sur les écrans de télévision :)

    (Keith) watched with (his wife, Lianne) one time only. She knew she'd never felt so close to someone, watching the planes cross the sky. Standing by the wall he reached toward the chair and took her hand. She bit her lip and watched. They would all be dead, passengers and crew, and thousands in the towers dead, and she felt it in her body, a deep pause, and thought there he is, unbelievably, in one of those towers, and now his hand on hers, in pale light, as though to console her for his dying.

  • Rumsey, Ramsey

    Three of the cardplayers were called by last name only, Dockery, Rumsey, Hovanis, and two by first name, Demetrius and Keith. Terry Cheng was Terry Cheng.

    Someone told Rumsey one night, it was Dockery the waggish adman, that everything in his life would be different, Rumsey's, if one letter in his name was different. An a for the u. Making him, effectively, Ramsey. It was the u, the rum, that had shaped his life and mind. The way he walks and talks, his slouchings, his very size and shape, the slowness and thickness that pour off him, the way he puts his hand down his shirt to scratch an itch. This would all be different if he'd been born a Ramsey.

    They sat waiting for R's reply, watching him linger in the aura of his defined state.

    (De Lillo, Falling Man).

  • 2 puissance 5

    En ces temps "particulièrement calmes", me raccrochant ici, ou , je réponds laborieusement aux trente-deux questions suivantes :

    1) Quel(s) souvenir(s) avez-vous de votre apprentissage de la lecture ?- Aucun.

    2) Vos lectures préférées lorsque vous étiez enfant ? - Pour n'en garder qu'un : Jules Verne.

    3) Aimez-vous la lecture à haute voix ? Comment ? Pourquoi ? - Non. Je perds le fil.

    4) Votre conte préféré ? - Un conte de Stifter : Cristal de Roche.

    5) La meilleure adaptation cinématographique d'un roman ou d'une pièce de théâtre ? - Les Mille-et-une Nuits de Pasolini.

    6)Apprenez-vous par cœur certains poèmes, répliques de théâtre ou passages de roman ?- Oui, quelques poèmes.

    7)Avez-vous des livres ou des magazines dans vos toilettes ? Lesquels ? - Oui. J'espère ainsi, par la contrainte, venir à bout des Contemplations.

    8) Avez-vous plusieurs lectures en cours ? Combien ? Lesquelles ? - Un certain nombre abandonnées, peut-être définitivement. Sinon : Falling Man, de De Lillo.

    9) Le poète que vous ne cesserez jamais de relire / de vous réciter ? - Bonnefoy, Thomas, Michaux, Claudel, Rimbaud, Mallarmé, Baudelaire, Nerval et, tant qu'à empiler les sublimités, Leopardi, Keats, Dante...

    10)Le livre que vous avez lu le plus rapidement ? Le plus lentement ? - Le plus lentement : peut-être, Under the Volcano, de Lowry, que je me suis efforcé de terminer. Le plus rapidement (relativement) : de gros livres comme Les Démons de Doderer, Gens Indépendants de Laxness ou La Ville et les chiens de Vargas-Llosa.

    11)Le(s) livre(s) que vous ne rangez jamais dans votre bibliothèque et qui traîne(nt) toujours ? - Les dictionnaires.

    12)Préférez-vous les éditions de poche aux éditions originales ? Pourquoi ? - Je préfère les poches parce qu'ils sont plus faciles à emporter.

    13)Quel est votre rapport physique à la lecture ? Debout ? Assis ? Couché ? - Assis.

    14)Vos lectures sont-elles commentées « crayon à la main » ? - Non.

    15)Offrez-vous des livres ? - Oui. (Bien que je lise rarement ceux qu'on m'offre).

    16)La plus belle dédicace ? (Qu'elle soit de l'auteur ou de celui/celle qui vous l'offrît) - La plus récente.

    17)Quel est votre rapport sensuel au livre ? (son odeur, sa texture, le son des pages tournées, …) - Je n'aime pas l'idée qu'on puisse aimer un livre pour son odeur, sa texture, son bruit.

    18)Quel(s) est (sont) le(s) auteur(s) dont vous avez lu l'œuvre intégrale ? - Pas l'intégrale mais par séries, assez naturellement, cherchant à prolonger le "plaisir" d'une lecture ; récemment : Jaccottet, Machado de Assis, Coetzee.

    19)Un livre qui vous a particulièrement fait rire ? - Le Brave Soldat Chveik, de Hasek.

    20)Un livre qui vous a particulièrement ému ? - La mort de Snorri Sturluson, dans la Saga des Sturlungar.

    21)Le livre qui vous a terrifié ? - Auto-da-fé, de Cannetti.

    22)Le livre qui vous a fait pleurer ? - Les livres ne me font pas pleurer (même pas, sans la musique, Pelléas et Mélisande).

    23) L'avertissement / l'introduction qui vous a le plus marqué ? - Salut (Le poème que Mallarmé a placé en exergue de ses Poésies).

    24)Le titre le plus marquant / original / décalé / astucieux ?- La Méprise de Nabokov (mais je ne sais pas quel est le titre d'origine).

    25)Décrivez votre (vos) bibliothèque(s). - 1m20 sur 2m50. A raison d'une cinquantaine par rayon, environ 400 volumes. Souvent réarrangée et élaguée pour éliminer le trop-plein.

    26)Le(s) livre(s) dont vous vous êtes finalement débarrassé(s) ? - Très nombreux : dernièrement, les Carnets de Léonard de Vinci.

    27)L'endroit le plus insolite où vous lisez ? - Rien d'insolite.

    28)Il ne vous reste que trois jours à vivre, que souhaitez-vous lire ou relire ? - Je crains de ne pas avoir la tranquillité d'âme qu'il faudrait.

    29)Votre livre d'art préféré ? - L'Arrière-pays, de Bonnefoy.

    30)La bibliothèque idéale ? - Semblable aux Essais de Montaigne.

    31)L'incipit qui vous a le plus marqué ? - Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.

    32)La fin qui vous a le plus marqué ? - La fin de la Vie de Henry Brulard (que je confonds avec la fin du Hussard sur le toit :) "Il était fou de bonheur".

  • Epigraphe / aube

    Tu cherches une épigraphe pour commencer un nouveau cahier de ton journal. Tu compares le fil du temps avec le cours d’un fleuve : par une sorte de calembour, une citation avec le mot Nil semble nécessaire. J’ouvre un recueil de Guérin pour y retrouver le texte qui, je crois, pourra convenir. Un autre passage m’arrête : ce sont les dernières lignes d’une lettre. La conclusion est ordinaire, triviale, mais je lis maintenant avec difficulté les quelques phrases qui la précèdent : elles sont pleines d’incises et de redites, qui s’insinuent jusque dans certains mots et leurs syllabes redoublées. Les corrections successives s’ajoutent dans un brouillon dépourvu de ratures ; elles s’insèrent entre deux propositions et décalent la suite ou l’effacent en partie. Le jeu continue en ce moment même sur la page. 

    Quand on sort, le jour se lève seulement. C’est qu’il fait noir plus longtemps, les jours ont désormais bien commencé à raccourcir. On contourne les bâtiments plongés dans l’ombre. Quand on entre dans la cour, la vue est dégagée à droite au-dessus de la prairie et embrasse un grand pan de ciel rose. La même teinte exactement se retrouve dans le champ en deçà, luisant dans l’obscurité, comme si la couleur liquide avait coulé trempant les buissons de fleurs.

  • Holiday

    Holiday, de Cukor.

    Une enfance trop prolongée se termine et, en se retirant, laisse deviner la désolation à venir. Les deux soeurs, Julia et Linda, et leur frère, Ned, découvrent combien leur caractère et leurs espérances les séparent. Ils s'accordent sur un seul point, le temps du film : leur amour pour le bel étranger qui fait irruption dans la grande maison. (Pour Ned, cet amour est si distant qu'il n'existe peut-être pas, quoiqu'il se révèle justement dans la mesure où on n'en voit rien : le soupçon vient de l'extrême réserve qui marque ses relations avec Johnny).

  • Images de Laon

    (...) au sommet de la colline de Laon la nef de la cathédrale (...) posée comme l’Arche du Déluge au sommet du mont Ararat, emplie de Patriarches et de Justes anxieusement penchés aux fenêtres pour voir si la colère de Dieu s’est apaisée, emportant avec elle les types des végétaux qui multiplieront sur la terre, débordante d’animaux qui s’échappent jusque par les tours où des boeufs, se promenant paisiblement sur la toiture, regardent de haut les plaines de Champagne. (Proust)

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    (Les bœufs juchés de Laon n’ont peut-être pas d’autre justification que de marquer la solidité de tours et d’exalter, par contraste, la légèreté des colonnes qui les soutiennent, indiquant qu’il y a assez de sol là-haut pour que le plus gros des animaux puisse marcher ; la prouesse équivalait à faire monter la moins agile des bêtes plus haut encore que le sommet de la colline, comme les pierres qu’elle aida à porter, en plein ciel).

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    Enchâssement de formes semblables : les tours sont creuses ; à la façon d’échauguettes, des édicules ouverts bâtis sur des colonnes sont disposés aux angles, qu'ils évident. Les tours elles-mêmes, aux extrémités du transept et du portail principal, tracent un quadrangle échafaudant l’espace au-dessus de la cathédrale.

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    (Photos VP.)
  • Madame de Mortsauf et la Zambinella

    Un des plaisirs de la (re)lecture de Sarrasine de Balzac est sa forme même, qui a quelque chose d’exemplaire (on aimerait pouvoir dresser une liste d’œuvres qui obéissent au même schéma). Deux parties : la description d’une scène (la soirée chez les Lanty) suivie par un récit (le narrateur raconte à la marquise la vie du sculpteur Sarrasine) ;  la division correspond à la marche de la nouvelle : d’abord la formulation d’une énigme, puis sa résolution. (La scène est le lieu de l’énigme, le récit est le discours de l’élucidation).

    Le Lys dans la vallée ne suit pas le même canevas. Mais il y a quelques points de ressemblance. Le roman se présente comme la longue (et invraisemblable) missive adressée à Natalie de Manerville par Félix de Vandenesse et se termine par l’ironique fin de non-recevoir écrite par Natalie en réponse à la copieuse confession de Félix. Félix et le narrateur de Sarrasine espèrent séduire leur auditrice avec l’histoire qu’ils leur racontent et tous les deux échouent. On pourrait trouver quelques points communs entre Félix et le sculpteur Sarrasine, également (s’il est permis) entre la vertueuse Madame de Mortsauf et le castrat Zambinella. Au commencement du Lys il y a aussi une scène presque fantastique et fondatrice : lors d’une fête donnée pour le retour des Bourbon, le jeune Félix se jette sur les épaules d’une inconnue, qui est Madame de Mortsauf, pour les embrasser. (De même que dans Sarrasine, la marquise touche brutalement l’étrange vieillard, qui est Zambinella, provoquant son cri).