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Mes bouquins refermés - Page 142

  • Sturla se met au lit

    Pall a fait un bel et légitime héritage. Mais l'ambitieux Sturla le lui dispute et entend bien, par la chicane et la violence, s'en approprier une portion à sa mesure. Lors de la grande assemblée annuelle des islandais, l'affrontement armé couve ; les deux adversaires se font face, chacun avec ses alliés. Alors :

    Thorbjörg, la femme de Pall, était de caractère violent et cette lutte incessante l'excédait.
    Elle bondit parmi les hommes, un couteau à la main et frappa Sturla en visant l’œil tout en disant : « Pourquoi ne te rendrais-je pas semblable à celui auquel tu veux ressembler le plus - c'est-à-dire Odinn ?»
    Mais le coup arriva dans la joue et ce fut une grande blessure (...)

    [Le dieu Odinn est borgne - c'est le Wotan de Wagner ; une figure fausse, rusée, traîtresse.]

    S'ensuivent nouveaux procès, nouvelles intimidations, et pour finir le triomphe légal de Sturla. Cependant quelques années plus tard :

    On dit que lorsque Sturla apprit la mort de Thorbjörg, la femme du prêtre Pall, il se mit au lit - il était très coutumier du fait lorsqu'il était affligé. On lui demanda ce que cela signifiait.
    Il répondit : « Je viens d'apprendre une nouvelle qui me paraît grave.»
    On répondit : « Nous ne pensions pas que tu t'affligerais de la mort de Thorbjörg.»
    Sturla répondit : « Eh bien, il en va autrement et je ne me sens pas très bien. Car j'estimais qu'il ne serait pas hors de question que je me mette en peine contre les fils de Pall et de Thorbjörg, tant qu'elle vivrait. Mais maintenant qu'elle est morte, il ne sied guère des les attaquer.»

    On est récompensé de la lecture de la Saga de Sturla (trad. R Boyer) (sinon plutôt confuse et mal fichue) par des passages comme ceux-là.

  • Manque de discrétion

    Je suis au cinéma avec M. Je me surprends à parler un peu trop fort, lisant à haute voix dans un programme : Civeyrac, Rivette, Desplechin. Je me demande après coup si mon enthousiasme n'est pas lié à l'apparition quelques instants plus tôt de Jeanne B (ou de son double) venue s'asseoir dans la rangée de devant.

    Ce ne serait pas la première fois. Je me souviens d'un épisode des Vampires de Feuillade dans la salle des Grands Boulevards. Ah le silence des séances de cinéma muet à la Cinémathèque !

  • La Main

    Au cinéma, Eros. Trois court-métrages accolés : après avoir vu celui de Wong Kar-Wai, on oublie les deux autres, Antonioni et ... comme s'appelle-t-il déjà ? Cependant chez le premier n'y avait-il pas comme un parfum de La Prisonnière ou de La Fugitive, qui rappellerait son chef d'oeuvre Identification d'une femme ?

    La Main, de Wong Kar-Wai. C'est le constraste entre la matière inorganique, superficielle et bariolée : bijoux et tissus (mais aussi verre, papier peint, escaliers, reflets) et le corps vivant, plein et pâle, qui s'y abrite (vivant, c'est à dire qui jouit, souffre, meurt). La main (et l'oeil) glisse à travers cela pour trouver ceci.

  • Black Narcissus

    Au cinéma, Le Narcisse noir, de Michael Powell.

    Etrange comme ce film fait penser à Solaris. Les religieuses, au départ pleines de leurs certitudes, perchées dans leur vaisseau solitaire, au-dessus de l'abîme, au milieu d'une Inde splendide et trouble, face au silence de dieu des cimes, interrogeant en vain le vieux sage muet, obsédées par des visions du passé (mais également, il faut le dire, par le séduisant Mr Dean qui se promène à peu près nu dans le couvent). Elles finissent par fleurir (au moins Sister Ruth qui vire au beau violet sombre).

  • Gone to earth

    Au cinéma, La Renarde, de Michael Powell.

    Les éléments d'un conte :
    - la chair entre dieu et le diable : la peau blanche du pasteur sous son col dénoué ; contre les belles et grandes dents du châtelain ; avec pour finir, le bouquet foulé aux pieds
    - les messieurs en noir et la veste rouge des chasseurs
    - les sonneries du cor qui vont et viennent comme dans Zwielicht d'Eichendorff (et de Schumann)
    - le cavalier noir dans l'encadrement de la porte de l'auberge
    - le serment sur le cercueil où la femme-renard est prise
    - le gouffre au bord du chemin d'un dimanche de fête et la prédiction de Hazel : le monde est un piège.

  • Stifter

    Souvenir d'un autre été :

    Ce n'est pas la première fois que tu écris ceci. Aujourd'hui tu devais prendre l'avion. C'est le matin, l'été. La rue est déserte. Les arbres pleins de feuilles sont éclairés de côté et la lumière vient de derrière toi. Mais le hasard ou la mauvaise volonté font que tu ne pars pas. Tu rentres bredouille. Après un bref voyage tu aurais dû passer la journée dans cette autre ville au bord de l'eau. Les souvenirs d'autres fois vont t'accompagner toutes ces heures comme auraient pu être celles de cette journée ailleurs. Tu n'attendais rien d'imprévu.

    Chaque moment est doublé d'un autre moment là-bas. Il y a les accents d'une langue étrangère dans les rares paroles qu'on veut bien te dire. Il y a les reflets d'une autre rive avec le soleil dans les eaux du fleuve.

    Le temps change dans l'après-midi, il pleut. Mais avant la nuit, le ciel se rouvre. Le soleil ternit les lampes déjà allumées dans les appartements ; puis le second jour vire lui aussi au noir.

    Dans chacune de ces pauvres phrases on pourrait retrouver une phrase déjà écrite, peut-être, ou déjà lue. C'est dans un roman de Stifter. A la fin de la vie vient un bref moment où avant que l'obscurité l'emporte il semble que l'été renaisse. Dans ce temps le désir et le présent sont réconciliés, les échecs de tout un passé s'effacent, les lointains et notre demeure ne font qu'un.

  • Human desire

    Au cinéma, Désirs humains, de Fritz Lang.

    Je ne crois pas qu'il s'agisse de son meilleur film. Mais il y a Gloria Grahame qui joue merveilleusement du sourcil ... et bis repetita : avez-vous vu Gloria Grahame dans le Violent de Nicholas Ray