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Refermés - Page 7

  • Un connaisseur

    There he sat, high above his neighbours, smiling, and nodding his great head enjoyingly from time to time.  When the people near him applauded the close of an air (as an English audience in such circumstances always WILL applaud), without the least consideration for the orchestral movement which immediately followed it, he looked round at them with an expression of compassionate remonstrance, and held up one hand with a gesture of polite entreaty.  At the more refined passages of the singing, at the more delicate phases of the music, which passed unapplauded by others, his fat hands, adorned with perfectly-fitting black kid gloves, softly patted each other, in token of the cultivated appreciation of a musical man.  At such times, his oily murmur of approval, "Bravo! Bra-a-a-a!" hummed through the silence, like the purring of a great cat.

    (Wilkie Collins, The Woman in White)

  • "A couple of fine lives"

    I will not finish that sentence till I have made an observation upon the strange state of affairs between the reader and myself, just as things stand at present—an observation never applicable before to any one biographical writer since the creation of the world, but to myself—and I believe, will never hold good to any other, until its final destruction—and therefore, for the very novelty of it alone, it must be worth your worships attending to.

    I am this month one whole year older than I was this time twelve-month; and having got, as you perceive, almost into the middle of my fourth volume—and no farther than to my first day's life—'tis demonstrative that I have three hundred and sixty-four days more life to write just now, than when I first set out; so that instead of advancing, as a common writer, in my work with what I have been doing at it—on the contrary, I am just thrown so many volumes back—was every day of my life to be as busy a day as this—And why not?—and the transactions and opinions of it to take up as much description—And for what reason should they be cut short? as at this rate I should just live 364 times faster than I should write—It must follow, an' please your worships, that the more I write, the more I shall have to write—and consequently, the more your worships read, the more your worships will have to read.

    Will this be good for your worships eyes?

    It will do well for mine; and, was it not that my Opinions will be the death of me, I perceive I shall lead a fine life of it out of this self-same life of mine; or, in other words, shall lead a couple of fine lives together.

    (Sterne, The Life & Opinions of Tristram Shandy, IV, 13)

  • T/Mosca

    Deux mois après, cette belle nouvelle se trouvait dans les journaux de Paris, avec ce petit changement que c'était le comte Mosca, neveu de la Sanseverina, qui allait être fait archevêque.

    En notant à nouveau cette boutade de Stendhal, je songe qu'elle pourait servir pour une étude des étranges transformations qui ont mené (par je ne sais quelles mésaventures) de la Chartreuse de Parme à la Tosca de Puccini. Je ne sais si tous les intermédiaires qui ont concouru à l'existence du livret étaient familiers du roman ; mais quelle bizarre expérience, pour un lecteur, de trouver dans la bouche de la Sanseverina une phrase, presque anodine, que Tosca a rendue fameuse, dans les circonstances les plus dramatiques : "Je n'ai pas de craintes, Altesse Sérénissime, répondit la duchesse d'un air ingénu ;  quand je me promène dans les bois ; je me rassure par cette pensée; je n'ai fait de mal à personne, qui pourrait me haïr ?" (non feci mai male ad anima viva).

    (Ou bien ailleurs, ce programme pour obtenir la libération de Fabrice : "le nouvel amant désigné par la prudence sera ce juge vendu, cet infâme bourreau, ce Rassi... (...) Quoi ! ce monstre, encore tout couvert du sang du comte P. et de D. ! il me ferait évanouir d'horreur en s'approchant de moi, ou plutôt je saisirais un couteau et le plongerais dans son infâme coeur.")

    D'une oeuvre à l'autre, le château Saint-Ange, travesti en l'imaginaire tour Farnèse de Parme, est redevenu le château Saint-Ange. L'Italie fantasmagorique de la cour d'Ernest Ranuce IV est repassée en Italie, à Rome, et parle à nouveau l'italien. 

    (Autre amusant aller-retour de l'opéra au roman : Il n'est pas de chapitre dans la Chartreuse de Parme qui fasse davantage penser à un morceau d'opéra que celui qui ouvre le le livre second. Il commence par le choeur éploré, puis vindicatif, des gens de la Sanseverina après qu'elle leur a annoncé son départ de Parme comme le prince a fait condamner son neveu. Puis la duchesse force la porte du prince (déconfiture de l'un, triomphe de l'autre) ; puis le ministre Mosca les rejoint (frappé d'étonnement) : comme dans un finale d'opéra bouffe, les entrées s'additionnent et  forment un ensemble (que ponctuent les apparitions comiques du chambellan), chaque personnage monologue in petto, selon son caractère. Ici Rossini semble inspirer Stendhal. Cependant à la fin de cette scène : la duchesse arrache au prince un écrit qu'elle croit salvateur mais qui s'avèrera fatal ; en cela, c'est l'acte 2 de Tosca.)

  • Adieu

    – Adieu, dit-elle.

    Et se retournant après quelques pas :
    – Adieu !

    Je restai en extase ; j'aurais baisé les traces de ses pas... Un de ses bras pendait le long du corps, ses cheveux, brillant aux rayons de la lune, voletaient doucement... mais bientôt c'est à peine si la large avenue et l'ombre épaisse des arbres me laissèrent entrevoir encore les ondulations de sa robe qui blanchissait au loin. Quand je l'eus perdue, je tendis l'oreille, espérant entendre sa voix. Et en m'en allant je me retournais, les bras ouverts, comme pour me consoler, vers l'astre de Vénus : lui aussi avait disparu.

    (Ugo Foscolo, Les Dernières Lettres de Jacopo Ortis, trad. J. Luchaire).

  • L'Amérique

    The Childhood of Jesus, de Coetzee.

    (Un homme et un enfant, deux émigrants descendus du bateau, commencent une nouvelle vie dans le pays indéfini qui les accueille : ils ont perdu tout souvenir de leur existence antérieure ; on leur a donné un nom, et un âge accordé à leur apparence. Une administration, bénigne, universelle et peu zélée, les aide dans leur installation : trouver un logement, un travail, apprendre la langue du pays, qui est l'espagnol. L'homme répète qu'il n'est pas le père du garçon, il en a pris la charge pendant la traversée, quand le lien s'est rompu, mais il compte bien le rendre à sa mère qu'il trouvera dans ce nouveau monde : il ne l'a jamais vue, il est sûr pourtant de la reconnaître dans l'occasion. Quel est ce pays ? Pour l'homme, c'est un pays d'exil, une Australie ou une Argentine qui le reçoit avec une bienveillance mesurée mais le laisse insatisfait ; tout y advient sans désordre mais, loin de la patrie absente et oubliée, rien n'y atteint à la plénitude : ni la nourriture, ni l'amour, ni la philosophie, ni l'histoire... Seule l'affection qu'il porte à l'enfant échappe à l'affadissement ; elle persiste et croît, même après qu'il l'a confié à la mère que, dans un acte de démiurge, il a élue au hasard d'une rencontre dans les environs de la ville : c'est une femme qu'il voit jouer au tennis à travers la clôture d'un domaine. Dans cet univers sans drame, la seule inquiétude et la seule menace concernent l'enfant ; qu'il disparaisse, que l'homme soit séparé de lui. L'appréhension résonne dans l'étrange variation du Roi des aulnes que le garçon chante :

    Wer reitet so spät durch Nacht und Wind ?
    Er ist der Vater mit seinem Kind;
    Er halt den Knaben in dem Arm,
    Er füttert ihn Zucker , er küsst ihm warm. 

     

    Quel est ce pays ? Sa réalité est rudimentaire. Il fait penser aux limbes, il s'apparente à une vision de l'au-delà. On pourrait croire qu'ici se retrouvent les personnages d'un autre roman de Coetzee, le Maître de Pétersbourg : le père a rejoint dans la mort son fils mort (qui n'est pas tout-à-fait son fils). Cependant une autre vie commence : une vie d'aventures naît peu à peu hors de l'engourdissement et le roman s'achève par une échappée dans une espèce d'Amérique, semblable à celle qui se dresse à l'arrière-plan du livre de  Kafka.)

  • Webernismes

    C'est que les compositions d'Auersberger ne sont nullement ignorées, pensais-je maintenant dans le fauteuil à oreilles, le successeur de Webern, Auersberger, n'est nullement méconnu, pensais-je, c'est au contraire à tout moment que l'on chante, souffle, pince quelque chose de lui (il est là pour y veiller !), à tout moment que l'on bat ou gratte quelque chose de lui, tantôt à Bâle, tantôt à Zurich, tantôt à Londres, tantôt à Klagenfurt (il est là pour y veiller !), ici un duo, là un trio, ici un choral de quatre minutes, là un opéra de douze minutes, là-bas une cantate de de trois minutes, ici un opéra de quelques secondes, là un lied d'une minute, ici une aria de deux, là de quatre minutes ; tantôt il s'est assuré les soins d'interprètes anglais, tantôt français, tantôt italiens, tantôt c'est un violoniste polonais qui le joue, tantôt c'est un portugais, tantôt la clarinettiste est chilienne, tantôt elle est italienne. A peine a-t-il débarqué dans une ville qu'il pense déjà à la suivante, comme je le pense, notre infatigable successeur de Webern, notre grand voyageur et trotte-menu Auersberger, notre infatigable copieur de Webern et de Grafen, notre écrivailleur de musique snob et chic venu de Styrie. Tout comme Bruckner est insupportablement monumental, Webern est insupportablement chétif, mais encore cent fois plus chétif que le chétif Anton von Webern, tel est notre Auersberger (...)

    (Bernhard, Des Arbres à abattre, trad. B Kreiss) 

     

    (PS : quelqu'un sait-il qui est le mystérieux Grafen ?)

  • La gazette du temps de Caligula

    Le golfe de Baja et sa colline en demi-amphithéâtre, si renommée chez les Romains pour être le plus voluptueux endroit de l’Italie, est comme ces vieilles beautés qui, sur un visage tout ruiné, laissent encore deviner, à travers leurs rides, les traces de leurs plus anciens agréments ; ce n’est plus qu’une colline pleine de bois et de masures, qui se mirent dans une mer toujours claire et calme. (…)

    A bon compte, il était nuit noire quand nous quittâmes notre chaloupe à Pozzuoli, et montâmes dans nos chaises pour retourner à Naples, fatigués et recrus si on le fut jamais ; d’ailleurs extrêmement satisfaits de notre journée. Cependant, pour ne pas faire le charlatan avec vous, je dois vous avouer que tous les grands plaisirs que j’avais goûtés étaient beaucoup plus en idée qu’en réalité ; une bonne partie des articles mentionnés dans cette mienne fidèle relation seraient un peu plats pour quelqu’un qui ne lirait pas la gazette du temps de Caligula ; mais aussi ils sont délicieux par réminiscence, et tirent un agrément infini des gens qui n’y sont plus.

    (Le président de Brosses, Lettres familières écrites d'Italie)