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  • Un enfant

    Ne pas manquer au Louvre l'exposition Desiderio da Settignano, pour le Saint-Jean Baptiste de... Donatello venu du Bargello de Florence.

    Les traits fins et douloureux et la bouche qui prêche, les membres grêles et le corps mince, la tête sèche sur les faibles épaules : figure paradoxale, juvénile et vieillie, frêle et résolue, ensemble un ascète et un enfant.

  • Reflets

    Au musée du Petit-Palais, un paysage de Ruysdael.

    Le soleil illumine la pierre jaune d'un château derrière la sombre poivrière d'un moulin à vent. Leur reflet conjoint, clair et sombre, se retrouve dans la nappe d'eau qui dort à leur pied. Mais l'eau, arrêtée ici comme les ailes du moulin, se remet à courir plus bas brouillant son miroir. Elle se brise sur les rochers avec violence (transformant le paisible bosquet à droite en ce tronc à gauche arraché et brisé). Le gris de l'eau torrentueuse est celui des nuages là-haut dans le vaste ciel ; son mouvement l'image du vent invisible qui entraînera les nuées, fera tourner les ailes du moulin et changera l'ombre et l'éclaircie.

  • Impression du moment

    L'autre jour à Madrid, Guernica me faisait penser aux grands tableaux du dix-neuvième siècle accrochés au Louvre (passés au noir et blanc contemporain, celui des actualités et du papier journal). Aujourd'hui au Louvre, je cherche à confirmer l'impression : le profil du guerrier étendu, au glaive brisé (?), sous les sabots du cheval vient-il des Sabines ?  la diagonale, l'intérieur abstrait, la figure affolée qui surgit à droite, le cheval massacré sont-ils empruntés à la Mort de Sardanapale ?

    Tant d'autres images pourraient aussi bien faire l'affaire.

  • Consolation

    C'est la fête d'un autre Carnaval. Jusqu'alors, Lys a poursuivi la belle Agnès mais aujourd'hui il l'abandonne. La jeune fille délaissée erre dans la fête, confiée aux bons soins d'Henri.

    Au cours de ces visites, nous entendîmes un chant harmonieux à quatre voix et nous allâmes à la découverte. Au bout d'un corridor faiblement éclairé, il y avait un cabinet formant saillie, dont on avait fait une petite orangerie, à cause de la disposition des fenêtres. Il était occupé par une douzaine d'arbustes, orangers, grenadiers et myrtes (...)

    Les musiciens les invitent à se joindre à eux et chantent une série de lieder et un motet.

    Quand le motet s'acheva sur un Alleluia et un Amen pleins d'envolée, un silence subit se fit parmi nous ; alors nous entendîmes, venant des autres pièces comme d'une région lointaine, une rumeur de voix bourdonnantes, de chants confus, mêlés à une musique de danse, tout un amalgame de sons assourdis et continus qui d'ailleurs roulaient jusqu'à nos oreilles, à chacune de nos pauses. Mais le contraste donna à cet instant je ne sais quel caractère solennel : c'était comme si nous entendions frémir le bruit du monde, tandis que nous nous livrions à nos méditations, dans l'intimité de notre bocage de myrtes et d'orangers.

    (Mais la musique ne suffit pas pour consoler la belle, qui, vidant sa coupe, boit verre sur verre de mousseux ; le vin coulait dans sa gorge comme un serpent subtil, sans qu'elle s'en aperçût, (bien qu'on aurait pu voir) sur son cou blanc, comment il savait s'insinuer.)

    (Keller - Henri le Vert, trad. La Flize)

  • Clytemnestre blanchisseuse

    Au Prado.

    La Famille royale des Bourbons d'Espagne (...) Soies, gazes, broderies, diamants, toute l'assemblée est saupoudrée de feu et de sel, tout pétille, tout bourdonne comme une guitare heurtée de l'ongle et du pouce sous le pinceau du magicien que l'on devine là-bas dans l'ombre, reculé derrière son châssis. Mais le personnage principal au centre de la composition qui s'ordonne tout autour d'elle, celle que le souverain, tourné vers elle de trois quarts, présente au public et, débonnaire et cocu, illumine comme un phare du rayonnement de sa bedaine royale (aussi convaincu et à l'aise dans sa livrée fulgurante que s'il était son propre domestique), c'est la reine Marie-Louise. Elle tient à la fois de Clytemnestre et de je ne sais quelle blanchisseuse au visage ravagé par l'âge, les passions et les intempéries. Au fond on voit qu'elle a peur, mais qu'elle essaie de toute l'énergie de ses pauvres moyens de faire face à une situation qui la dépasse. Que ces deux enfants, une fille et un fils, qu'elle tient, sans doute pour se donner contenance, par la main, ne nous donnent point le change ! Ils ne suffisent pas à obstruer la brèche qui s'est faite dans le principe héréditaire.

    (Claudel - La peinture espagnole, in l'oeil écoute)