Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Strauss, Mahler, Brahms

    Concert à la Cité de la Musique.

    D'abord, la Valse de l'empereur ; donne l'impression d'être désarticulée et interminable (comme le Premier de l'An dans un souvenir d'enfance).

    Puis, les Lieder eines fahrenden Gesellen. Une voix juvénile et blessée. Une souffrance mêlée d'étonnement, parce que la première. De magnifiques transitions : de l'insouciance au désespoir, de la douleur présente au souvenir, de l'accablement au repos (non pas une suite d'élévations et d'effondrements, mais comme les champs sous le vent et un ciel chargé de nuages). L'apaisement final, yeux fermés, et les dernières paroles und Welt... und Traum... prononcées comme dans le sommeil, alors que la musique va se mêler au silence.

    Dans la seconde partie, chacun des cinquante-deux coups de timbale au début de la Première Symphonie de Brahms est suivi d'un bruit indéterminé (la vibration d'un support métallique ? l'écho dans le mur juste à droite ? le fantôme de Lachenmann ?).

  • Retour au pays natal

    De très anciennes impressions revécurent en [Tentiétnikof] ; il avait oublié la beauté du pays, aussi contemplait-il avec la curiosité d'un voyageur étranger les merveilleux points de vue se déroulant à l'infini. Une violente émotion l'étreignit. La route se rétrécit, se creusa en un ravin étroit et se perdit dans une épaisse forêt de larges chênes trois fois séculaires, de peupliers, d'ormes, de mélèzes et de platanes. Il s'informa : « A qui appartient cette forêt ? - A Tentiétnikof », répondit-on.

    (Gogol - les Ames mortes, trad. Marc Séménoff)

  • Mozart, Lachenmann

    Concerts à la Cité de la Musique.

    Je suis en retard... le premier concert a déjà été évoqué ici, le second ici et là. Les uns et les autres ont décrit les traitements inhabituels que Lachenmann applique avec constance aux instruments de musique. Ce vocabulaire (raclages, tapes, grattages, sifflements, triangulations, etc.) n'est pas impuissant à donner à l'auditeur des impressions différentes et caractéristiques : atmosphère fantomatique dans Notturno, clownesque dans Accanto, grave dans Schreiben.

    (A cet égard c'est dans Accanto qu'il se passe le plus de choses : je me rappelle encore du passage où la figure (qualifiée de prout par Zvezdoliki) passant d'abord d'un instrument à un autre puis exécutée par l'ensemble des cordes évoquait le réveil d'une bande de sauriens dont le rot général finissait par terrifier le soliste - clarinette affolée à la voix perdue).

  • Whiskers, noses, pump-handles, etc.

    A propos de moustaches, un court apologue dans Tristram Shandy de Sterne (5, 1). Nous sommes en Navarre, du temps de la Reine Marguerite. Il paraît alors une beauté à la cour, Monsieur de Croix, qui retient l'attention des dames. Cependant deux d'entre elles, la Fosseuse et la Rebours, en savent davantage sur lui que leurs compagnes et s'emploient, tout en restant dans les limites de la pudeur, à partager leur connaissance, intime, du personnage.

    The Queen of Navarre was sitting with her ladies in the painted bow-window, facing the gate of the second court, as De Croix passed through it -- He is handsome, said the Lady Baussiere. -- He has a good mien, said La Battarelle. -- He is finely shaped, said La Guyol. -- I never saw an officer of the horse-guards in my life, said La Maronette, with two such legs -- Or who stood so well upon them, said La Sabatiere ---- But he has no whiskers, cried La Fosseuse -- Not a pile, said La Rebours.

    Le succès du mot de la Fosseuse est fatal non seulement pour Monsieur de Croix mais pour le terme « moustaches » qui se trouve exclu du vocabulaire par la faute de l'association d'idées et de la même pudeur qui inspira son emploi. Conclusion et morale de l'histoire :

    'Twas plain to the whole court the word was ruined (...) ---- It made a faint stand, however for a few months ; by the expiration of which, the Sieur de Croix, finding it high time to leave Navarre for want of whiskers -- the word in course became indecent, and (after a few efforts) absolutely unfit for use.

    The best word in the best language of the best world, must have suffered under such combinations. -- The curate d'Estella wrote a book against them, setting forth the dangers of accessory ideas, and warning the Navarois against them.

    Does not all the world know, said the curate d'Estella at the conclusion of his work, that Noses ran the same fate some centuries ago in most parts of Europe, which Whiskers have now done in the kingdom of Navarre -- The evil indeed spread no further then --, but have not beds and bolsters, and night-caps and chamber-pots stood upon the brink of destruction ever since ? Are not trouse, and placket-holes, and pump-handles -- and spigots and faucets, in danger still, from the same association ? -- Chastity, by nature the gentlest of all affections -- give it but its head -- 'tis like a ramping and a roaring lion.

     

  • le 20 janvier

    Le 20 janvier Lenz marchait dans la montagne. Sommets et hautes pentes sous la neige, dévalant les combes, pierraille grise, pentes verdoyantes, rochers et sapins.

    Il faisait un froid humide ; l'eau ruisselait des rochers et bondissait sur le chemin. Les branches des sapins pendaient lourdement dans l'air mouillé. Des nuages gris filaient dans le ciel, mais tout si opaque - et le brouillard d'en bas s'épanchant en vapeurs lourdes et humides à travers les frondaisons, si paresseux, si pesant.

    Il avançait, indifférent, sans se soucier du chemin, tantôt en montée, tantôt en descente. Il n'éprouvait aucune fatigue, la seule chose qu'il trouvait désagréable par moments, c'était de ne pouvoir marcher sur la tête.

    Au début, il sentait une pression dans la poitrine lorsque les pierres se mettaient à rouler, lorsque la forêt grise se secouait au-dessous de lui et que le brouillard engloutissait les formes, puis lorsqu'il dévoilait à moitié des membres puissants ; il sentait une pression en lui, il cherchait quelque chose, comme des rêves perdus, mais il ne trouvait rien. Tout lui paraissait si petit, si proche, si mouillé ; il aurait voulu poser la terre derrière le poêle. Il ne comprenait pas pourquoi il lui fallait si longtemps pour descendre un versant, rejoindre un point éloigné ; il se disait qu'il aurait dû pouvoir mesurer toutes choses en quelques enjambées. (...)

    (Büchner - Lenz, trad. B. Kreiss)

  • Hals

    (Hals - Portrait d'homme, détails)

    (Content, semble-t-il, du tour qu'il joue à tous ceux qui le regardent, d'être peint et de ne paraître pas moins vivant qu'eux, habillé de coups de pinceau roux et noirs.)