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  • La même chose

    Une phrase de Philippe Jaccottet dans la Semaison : je ne fais que redire la même chose toujours ; si au moins ce pouvait être de plus en plus vrai.

  • L'art du sous-entendu

    Dans la Saga des Sturlungar, avant la bataille d'Örlygsstadir (21 Août 1238), le récit ralentit pour détailler le rassemblement et l'itinéraire des armées. Alors, de façon exceptionnelle dans un texte si peu bavard, une longue série de prémonitions, rêves et visions accompagnées de poèmes déclamés, annoncent de façon plus ou moins voilée le sort des adversaires : la victoire de Gizurr, la défaite et la mort de Sturla et des siens.

    La nuit qui précède l'affrontement, les rêves visitent les deux chefs. Gizurr raconte le sien, favorable, et conclut sans vouloir se prononcer sur la valeur à accorder à l'augure : « Mieux vaut rêver que pas ».

    Cependant, chez l'adversaire :

    Sturla se réveilla alors que le soleil était levé depuis peu. Il s'assit, le visage tout en sueur.
    Il se passa la main sur la joue en disant : « les rêves n'ont aucun sens ».
      (trad R Boyer)

    On n'en saura pas plus : au lecteur d'imaginer les rêves de Sturla.

    (Dans les sagas islandaises, en général, le destin du héros peut se résumer à : il va mourir et il le sait ; et son idéal : faire malgré tout bonne figure. Il sait qu'il va mourir peut-être grâce à un rêve prémonitoire mais surtout parce que l'issue du combat est rarement douteuse. Dans ce monde, la notion d'un affrontement loyal et équilibré n'a pas de valeur. Qu'un homme seul soit attaqué par cinq adversaires, qu'il soit pris au piège et brûlé vif dans sa ferme sans pouvoir se défendre, cela ne nuit pas à la réputation des assaillants.)

    (Le rêve, le combat inégal, l'idéal héroïque : je suis à nouveau ramené au Sud de Borges.)

  • Quincas Borba, de Machado de Assis

    - Quincas Borba. - Lequel ? Il y en a deux :  le Philosophe ou le chien ? - Quelle idée de donner à son chien son propre nom. - et si c'était la même personne ? comme finit par le croire le pauvre Rubiao, victime de la transmigration des âmes.

    (Il y a dans ce roman un rêve avec Napoléon III comme dans un Amour de Swann. Mais chez Proust, le rêve de Swann vient à la fin ; l'empereur incarne un rival ; l'épisode révèle la permanence d'un moi antérieur jaloux et toujours amoureux d'Odette. Alors que chez Machado de Assis, le rêve est le signe avant-coureur de la folie de Rubiao ; qui s'identifie en songe pour la première fois avec l'empereur, pour fouetter la femme qui l'obsède.)

  • Zuckerman Unbound, de Philip Roth

    De la famille rassemblée au chevet du père agonisant, Zuckerman est le dernier à parler. Alors, avant de perdre conscience définitivement, le mourant prononce un seul mot. Zuckerman entend, il est peut-être le seul à entendre, comme une réponse, indistinctement : Bastard !

  • Shuttlecocks

    M'ont donné envie de lire The Good Soldier ceci et le souvenir du bien qu'en dit Coetzee dans Jeunesse (même si par la suite son narrateur manque périr d'ennui dans la salle de lecture du British Museum au milieu des œuvres complètes de Ford Madox Ford). Maintenant que j'ai terminé je réserve pieusement mes impressions pour un 4 Août ultérieur (s'il en vient).

  • Bilan de mon été

    Naïvement pieux, je rassemble en poèmes
    les jours brûlants et purs, les silences d'été,
    le crépuscule où brille une ville que j'aime,
    le message confus de toutes les clartés ;

    les beaux miroirs tremblants laissés par les averses
    où ne vint se mirer qu'un nuage hagard,
    et nos maisons d'un jour que l'orage renverse,
    et tout l'or qui sonnait dans les mains du hasard ;

    mais je veux sans pitié brûler ta paille blonde,
    souvenir, mannequin trop rigide et trop beau,
    j'exècre ton œil rond, ta poitrine que bonde
    un sec entassement de paille et de roseaux,

    je veux briser la cruche où j'ai bu tout l'été,
    joncher le vieux chemin des tuiles de mon toit
    et laisser me guider vers une autre beauté
    le sentier qui s'en va dans les monts nus et froids.

     

    (Henri Thomas - Travaux d'aveugle)

  • Il revint

    Septembre. Il y a des pointes d'écume dans les eaux du lac ; les Allemands repassent le Brenner (peut-être) ; dans les Arènes de Vérone, touristes et balayeurs pêle-mêle escaladent les gradins et arpentent les allées ; sur scène, parmi les sphinx en pagaille, les manœuvres démontent les décors d'Aïda ... Mais assez de se souvenir. Bouvard plutôt que Frédéric, je recopie, comme c'est dimanche, un poème d'Henri Thomas.