Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • L'Or du Rhin (2)

    Au Châtelet.

    Convaincu que la musique est l'art de la répétition, je commence une nouvelle Tétralogie, la même. Est-ce parce que j'ai changé de place et que je me suis rapproché de la scène, latéralement ? j'ai l'impression que les voix sont plus présentes, plus grandes, et que l'orchestre a rapetissé en proportion. Elles bénéficient peut-être de la remémoration des épisodes futurs (elles sont grosses de leur avenir déjà advenu). J'entends les personnages qui reviendront dans les opéras suivants avec le souvenir de leur performance ultérieure (ceci renforcé par le fait que les interprètes n'ont pas changé). Fricka est si belle, si humaine qu'on guette avec impatience chacune de ses interventions (fâchée, compatissante, jalouse, radoucie).  Alberich profère la malédiction ; c'est une nuée sombre qui l'entourera encore quand il viendra hanter bien plus tard son fils Hagen. Erda s'avance et prophétise le Crépuscule des Dieux (on frissonne). Loge figure le cas peu ordinaire d'un homme qui va se métamorphoser en musique seule (à rebours de l'oiseau qui prend la parole dans Siegfried). Dans le finale, les lamentations des filles du Rhin et les sarcasmes de Loge commentent l'entrée un peu creuse des dieux au Walhalla ; comme l'eau et le feu qui l'anéantiront dans quelques jours.

  • bien après (odor di...)

    Une bougie, une cigarette allumées, éteintes sur la scène par les comédiens. Bien après leur parfum à peine perceptible parvient au fond de la loge.

  • Onze mille

    En parcourant ceci, je constate, et ce n'est pas la première fois, que je ne peux plus lire le nom de Sainte Ursule sans penser aux premières victimes autochtones, bien oubliées, de la grippe aviaire en France.

  • Avant le 15 mai

    Au Louvre.

    Pas encore eu l'occasion de voir une troisième fois l'expo Ingres : Madame Moitessier, retour de Pompéi, antique et grasse ; Madame Leblanc, grand escargot curieux, épaules et cou conjoints – cependant blanche et affable.

    Jusqu'ici je ne retrouve pas la forte impression de découverte laissée par la grande exposition des portraits (en 1999 ?). Difficile d'aimer les toiles que je ne connaissais pas : les tableautins d'histoire, les œuvres religieuses.

    Je m'arrête devant le sobre portrait de Molé. Le regard jeune et maître de soi (mais les mains sont pâles et déjà vieilles) sort d'une silhouette frêle et presque inquiète malgré le pouvoir qu'elle figure. Par comparaison, accroché à sa gauche, le portrait du Duc d'Orléans (flanqué encore par l'écrasant Bertin) semble, perruque et maquillage, celui d'une poupée creuse, aux yeux peints.

  • Grand Hôtel

    Hélas, le vent de la mer, une heure plus tard, dans la grande salle à manger, (...) il parut cruel à ma grand-mère de n'en pas sentir le souffle vivifiant à cause du châssis transparent mais clos qui, comme une vitrine, nous séparait de la plage tout en nous la laissant entièrement voir et dans lequel le ciel entrait si complètement que son azur avait l'air d'être de la couleur des fenêtres et ses nuages blancs un défaut du verre. Me persuadant que j'étais « assis sur le môle » ou au fond du boudoir dont parle Baudelaire, je me demandais si « son soleil rayonnant sur la mer » ce n'était pas – bien différent du rayon du soir, simple et superficiel comme un trait doré et tremblant – celui qui en ce moment brûlait la mer comme une topaze, la faisait fermenter, devenir blonde et laiteuse comme de la bière, écumante comme du lait, tandis que par moments s'y promenaient çà et là de grandes ombres bleues, que quelque dieu semblait s'amuser à déplacer, en bougeant un miroir dans le ciel.

    (Il faisait nuit. Alors, c'est nous qui sommes le spectacle pour les passants dehors – et pour nous-mêmes : l'obscurité ayant posé son tain contre la vitre.)

  • Retour

    Rubens - Abraham et Melchisédech, détail.

    (Au fond, contre le bleu sombre du ciel, un homme roux reçoit à pleines mains le pain offert - mais se tourne et regarde vers son chef.)

  • Figure

    A ce point permettez-moi, cher ami, d'abandonner mes habitudes de ventriloque auxquelles je ne puis m'empêcher d'avoir recours de temps en temps, et d'interroger pour vous directement cette poupée entre mes bras qui constitue toute ma troupe. Ne commettez pas l'erreur d'essayer de vous représenter sa figure, c'est l'attitude générale seule qui importe. Quant à la figure, c'est un de ces masques vagues que la pluie forme sur la vitre d'un wagon et où les yeux ne sont une seconde réalisés qu'au détriment de la bouche.

    (Claudel - le Point de vue de Ponce Pilate, in Figures et paraboles)