A intervalles réguliers (...), la touffe de plumeaux brûlés surmonte un amas de masures noirâtres faites de boue et de paille hachée, aux parois vacillantes, aux petites coupoles de guingois, incroyablement sales, titubantes, sinistres, ensevelies dans une poussière de hauts fourneaux, ne tenant debout que par habitude et prêtes à se dissoudre à la première ondée, comme un morceau de sucre trempé d'encre. Quelques ânes à l'ombre percée d'un tamaris, quelques femmes en deuil éternel, accroupies le long de cases qui ont l'air de jouer à se renverser, quelques enfants nus, en chocolat, couchés dans de la poudre couleur de marc de café ou de mâchefer ; et, sur tout cela, un grand ciel sec, éblouissant, où ne passe jamais un nuage.
(Maeterlinck, le Royaume des morts)
[Ne dirait-on pas au lieu d'un paysage la description d'une photo ancienne ? sépias sans épaisseur, mouillés de pétrole, sous un ciel comme le verre mat d'une ampoule électrique.]