La loge n'a rien de royal ; l'ouvreur, complice et déférent, nous y conduit tels des parents incognito de la dynastie régnante. Mais revient nous chercher bien vite car il y a eu un incident au vestiaire. Est-ce grave ? en marchant il explique : après le dépôt, pendant les manipulations d'usage, un portefeuille s'est retrouvé à terre sous nos basques. Une reconnaissance est nécessaire. Nous arrivons : la petite dame est passée devant son comptoir. Elle tient dans une main la veste, dans l'autre le portefeuille : elle ne comprend pas, elle est désolée, d'où a-t-il pu tomber ? les tirettes sont fermées.
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Forgiveness is a duty
Le musée des Beaux-Arts d'Anvers : une énorme et vieille bâtisse néo-classique où on entre par un portique démesuré et de vastes escaliers. A l'étage noble, la salle d'honneur au centre est consacrée à la gloire de Rubens. Mais entre les grands tableaux d'autel sont placés des écrans et des haut-parleurs, identiques, synchrones, sonores. Une haute vitrine bloque le centre de la salle, avec des pièces d'armure éparses sur le socle blanc. Ç’a été le lieu d'une action dont l'enregistrement est maintenant diffusé sur les murs. Une voix forte ouvre chaque épisode. Dans le cube en verre deux artistes armurés combattent, symboliquement sans doute. A un certain moment les casques sont levés. L'homme quitte l'arène. Il saigne un peu et écrit à l'encre écarlate sur les murs. La femme reste. Elle pleure et chantonne, crescendo, decrescendo : Forgiveness is a duty.
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Retour à Gand
Hubert et Jan van Eyck- Polyptyque de l'Agneau mystique.
(Plus que la science du rendu des matières translucides, des étoffes ou des cheveux et la précision infaillible des visages réels ou idéaux, me fascinent chez Van Eyck les lointains : dans le retable de l'Agneau mystique, la lumière méridionale au fond du panneau des pèlerins, avec les silhouettes sombres du cyprès et du palmier et les oiseaux en vol, contre l'or du jour ; et, dans le panneau central, derrière l'agneau, ce chemin d'herbe au bord de l'eau puis le vallon où se laisse voir le bleuissement successif des collines, comme si la Jérusalem céleste était encore cette vision d'un espace ouvert par la couleur dans la surface du tableau).
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Kiss me deadly
Au cinéma. Revu en quatrième vitesse d'Aldrich.
Au deux-tiers du film, comme dans la fameuse scène d'ouverture, un personnage de femme traquée vient traverser la route de Mike Hammer. C'est à nouveau la nuit, dans un endroit désert, une blonde qui n'a de vêtements qu'un peignoir. Mais au lieu de citer Christina Rossetti, la seconde ne sait que demander, presque ânonner, qu'on la sauve.
Qui est-elle ? d'abord un personnage secondaire ; mais dans la scène finale toute la mythologie convoquée, ou la Bible : la femme de Loth, Pandore, Cerbère, n'empêcheront pas qu'elle déclenche la catastrophe atomique.
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Dénombrement
Bruegel - Le dénombrement de Bethléem.
(Espaces cachés, intérieurs obscurs et pleins, leur renflement sous la couleur blanche. Les toits, les grandes tonnes, les ballots couverts de neige renvoient-ils au ventre gravide de la femme ? elle chemine, juchée sur un âne flanqué d'un bœuf et que son mari conduit vers l'auberge encombrée d'hommes. Mais pourquoi, au contraire, toutes ces roues de charroi ? c'est le même bois nu que les branches de l'arbre ; plat comme le soleil éteint à travers.)
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Poulenc
Concert au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.
J'assiste pour la première fois à une représentation de la Voix humaine ; j'ai dû en entendre des bribes au disque il y a bien longtemps mais l'impression, d'emblée, n'a pas changé : que le livret est pénible ! et je ne comprends ce qui dans la musique ou l'interprétation pourrait justifier ce morceau de bravoure pour diva vieillissante, cette exhibition ponctuée d'imitations de sonnerie de téléphone.
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Lumières portées
Ouverture de la Femme sans ombre (trad. JY Masson), d'Hofmannsthal.
La nourrice ne dort pas ; avant l'aube, sur la plus haute terrasse du palais, elle voit voler à elle un esprit lumineux :
la chose qui luisait s'approchait rapidement, et les cimes des arbres reçurent de son passage une lueur.
(Ainsi dans ce début, ce n'est pas l'ombre mais la lumière qui est projetée : par le messager, par le soleil et par le corps de l'impératrice, la femme sans ombre).