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Refermés - Page 51

  • L'infini derrière la haie

    L'infinito, de Leopardi.

    Il est assis dans l’herbe, au sommet d’une colline. Une haie cache toute vue de la terre.  Il n’a devant lui que ce feuillage à quelques pas et à l’infini un ciel sans nuages. Il imagine le vide dans l’entre-deux. Manque le paysage, ordonné dans l’éloignement, selon les lois de la perspective. L’univers familier disparaît dans cette lacune, dans l’immensité.

    (On pourrait avoir une sensation pareille de vertige dans sa chambre, allongé par terre, levant les yeux vers la fenêtre grande ouverte, qui ne découpe que le ciel. Le cadre vide à contre-jour devient l’orbite plus grande de l’œil. Je ne suis qu’un « pur regard » suspendu dans le vide lumineux. Sauf qu’entre de l’été dehors une grosse mouche).

    Il constate alors le bruit du vent dans les feuilles. Il compare ce qu’il entend à ce qu’il voit. Le frémissement tout proche, c’est le présent. L’immensité au-delà, c’est le passé silencieux et sans borne. De même que son corps s’est perdu dans l’infini, sa pensée, le présent, se perd dans l’éternité.

  • Epithalame

    Leopardi. A sa soeur, pour son mariage :

    Tes enfants seront malheureux ou bien lâches / Choisis qu'ils soient malheureux.

  • Contes Indiens, de Mallarmé

    Un pied nu :
    O distingue sur une poudre d’étoiles, prêtes à la revêtir d’éblouissantes sandales, la nudité d’un pas.

    L’invisible danseuse spirituelle, peut-être « celle même dont nous vécûmes » :
    Non que la céleste présence ici se manifeste à l’assistance, autrement que par un miroitement de joyaux au sein vertigineux des bayadères, arrêtées soudain renversées, ainsi que le reflet d’un vol circulaire supérieur de pierrerie ou d’âme.

  • Le Maître du Jugement dernier, de Perutz

    Mardi soir au concert, au Châtelet.

    Le cygne de Tonuela, de Sibelius.
    … vogue comme les Nuages de Debussy.

    Les Quatre Derniers Lieder, de Strauss

    … où l’on peut constater qu’Eichendorff est bien meilleur écrivain que Hesse (Paix vaste et calme / Loin déjà dans le soir/ Notre fatigue / C’est peut-être la mort ).

    La troisième symphonie, de Beethoven.

    A l’écouter, depuis longtemps, une phrase me revient. D’où ? je ne sais pas. La voilà, quoi qu’elle veuille dire : l’optimisme des Lumières se mue en esprit de conquête. Je m’en débarrasse par l’occasion.
    On trouve davantage et mieux ailleurs. Cette musique n’est-elle pas dans le livre de Carson Mac Cullers, Le Cœur est un chasseur solitaire, entendue à la radio, par une fenêtre ouverte? A vérifier.

    Je cherche d’autres exemples de fictions avec musique réelle. Dans ma liste :

    Le Don Juan, de Hoffmann. Ou le fantasme d’avoir une porte dans sa chambre qui donne dans une loge d’opéra.

    Le Maître du Jugement dernier, de Perutz. Des amis se réunissent pour jouer entre eux le premier trio avec piano de Brahms. Mais ils ne vont pas plus loin que le deuxième mouvement. L’un d’eux meurt, de mort violente, pendant la pause. On ne jouera donc pas le troisième mouvement (adagio) qui reste à l’état de fantôme, comme un apaisement impossible. Qui est le coupable ? La façon dont le narrateur entend le scherzo (à peu près comme du Mahler ou du Chostakovitch) donne quelques indications sur son caractère.

  • Commencer par la fin

    A mi-chemin de son récit, le narrateur éponyme du roman de Machado de Assis, Dom Casmurro (trad. AM Quint), propose une réforme du théâtre :

    C’est un genre d’art où il y a peut-être quelque chose à réformer et moi, je proposerais, à titre expérimental, de commencer les pièces par la fin. Othello se tuerait et tuerait Desdémone au premier acte, les trois suivants seraient consacrés à l’action lente et décroissante de la jalousie, et le dernier ne comporterait plus que les scènes initiales avec la menace turque, les explications d’Othello et de Desdémone, et le bon conseil du subtil Iago : « Mets de l’argent dans ta bourse ». Ainsi le spectateur, d’un côté, trouverait au théâtre la charade habituelle que lui proposent les journaux, parce que les derniers actes expliqueraient le dénouement du premier, qui serait comme le tout à deviner, et d’un autre côté, il irait au lit sur une bonne impression de tendresse et d’amour :
        She loved me for the dangers I had pass'd,
        And I loved her that she did pity them

    J'aime dans ce passage :
    - l’allusion voilée au dénouement, sous l’emblème ambigu d’Othello ;
    - le soupir de l’écrivain fictif qui sait que son histoire finit mal et voudrait retourner aux bonheurs de l’origine ;
    - l’image du travail de l’écrivain qui compose ces mémoires à l’envers, du plus lointain au plus proche ; semant son chemin d’éléments qui annoncent ou préparent la révélation finale, comme un auteur policier place ces indices tout au long de son roman avant de les rassembler dans les dernières pages pour désigner le coupable ;
    - l’image, dans le miroir, de la rêverie du lecteur qui, venant de refermer le livre, cherche dans son souvenir les prémonitions du coup de théâtre final, doutant de la cohérence, voulant répondre à la question « cette histoire, est-ce vraisemblable ? est-ce crédible ? » (de même qu’arrivé à la fin du film de Fritz Lang, l’Invraisemblable Vérité, le spectateur, particulièrement malmené sur ce plan-là, se remémore la scène d’ouverture où, dans le public rassemblé devant la chaise électrique, seul Dana Andrews reste impassible au moment de l’exécution.)

  • Night celebration

    Excuse my english but I'm typing this on a TV keyboard in Texas with no such things as "accent grave, aigu ou circonflexe". I've just finished reading Kleist's Prince of Homburg. I am wondering why the (magnificient) opening and closing scenes seem so familiar ; as from some classical painting of an Allegory of Love and Glory (not Hercules' or Paris' choices but both together). Dark garden, laurel wreath, gold chain, olympian gods and muses.

  • La Jangada

    De l'influence de Raymond Roussel sur Jules Verne.

    Lina propose de suivre une liane et trouve au bout, et sauve, Fragoso :

    Le pendu était un homme d'une trentaine d'années, un Blanc, assez mal vêtu, très amaigri, et qui paraissait avoir beaucoup souffert.
    A ses pieds étaient une gourde vide, jetée à terre, et un bilboquet en bois de palmier, auquel la boule faite d'une tête de tortue, se rattachait par une fibre.

    L'amont du plus grand fleuve du monde. Une famille heureuse. Un domaine prospère. Des serviteurs fidèles (ils ne connaissent du fleuve que ce qui en coule sous leurs yeux). Qui voudrait laisser ça et s'en aller ? Mais l'aventure parle plus fort. Qu'il faut partir et suivre le fil de l'eau, passer la frontière, risquer et sauver la tête d'un homme.