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Autre temps - Page 6

  • Promontoire

    Une villa romaine occupait l'extrémité de la presqu'île. Les ruines que l'on voit aujourd'hui sont celles des constructions inférieures ; elles formaient le soubassement de la terrasse mi-artificielle mi-naturelle où étaient installés les bâtiments d'habitation, autour d'une grande cour ou jardin. Ce sont ces cryptoportiques, ces arcs, ces voûtes détruites qui ont fait donner à l'endroit le nom de Grottes.

    Le sommet du promontoire est un champ planté d'oliviers. L'étendue est limitée par un vide, laissé par l'effondrement des étages inférieurs, avec au-delà la surface du lac. Un jardin suspendu entre le ciel et l'eau.

     

  • Flammes peintes, langues de pierre

    Matin dans le vaporetto n°42 vers les Fondamente Nove. Dans la brume une Venise nouvelle paraît, bleue au loin resserrée dans son île, fantastique : non pas le sommet pointu de tours par-dessus les murs, mais la cime des cyprès du cimetière de San Michele.

  • Stifter

    Souvenir d'un autre été :

    Ce n'est pas la première fois que tu écris ceci. Aujourd'hui tu devais prendre l'avion. C'est le matin, l'été. La rue est déserte. Les arbres pleins de feuilles sont éclairés de côté et la lumière vient de derrière toi. Mais le hasard ou la mauvaise volonté font que tu ne pars pas. Tu rentres bredouille. Après un bref voyage tu aurais dû passer la journée dans cette autre ville au bord de l'eau. Les souvenirs d'autres fois vont t'accompagner toutes ces heures comme auraient pu être celles de cette journée ailleurs. Tu n'attendais rien d'imprévu.

    Chaque moment est doublé d'un autre moment là-bas. Il y a les accents d'une langue étrangère dans les rares paroles qu'on veut bien te dire. Il y a les reflets d'une autre rive avec le soleil dans les eaux du fleuve.

    Le temps change dans l'après-midi, il pleut. Mais avant la nuit, le ciel se rouvre. Le soleil ternit les lampes déjà allumées dans les appartements ; puis le second jour vire lui aussi au noir.

    Dans chacune de ces pauvres phrases on pourrait retrouver une phrase déjà écrite, peut-être, ou déjà lue. C'est dans un roman de Stifter. A la fin de la vie vient un bref moment où avant que l'obscurité l'emporte il semble que l'été renaisse. Dans ce temps le désir et le présent sont réconciliés, les échecs de tout un passé s'effacent, les lointains et notre demeure ne font qu'un.

  • Im Frühling, de Wolf

    Samedi aux Buttes Chaumont. Toute une matinée affalé dans l’herbe (tel le soldat plein de sommeil d’une Résurrection ; pendant que le soleil monte derrière moi). Le vent ne souffle pas fort ; les pique-niqueurs ne sont pas encore arrivés ; j’entends ceci :

    Ich denke dies, ich denke das
    Ich sehne mich und weiß nicht recht, nach was
    Halb ist es Lust, halb ist es Klage
    Mein Herz, o sage
    Was webst du für Erinnerung
    Im golden grüner Zweige Dämmerung
    Alte unnennbare Tage

    Goûter l’instant avec, par anticipation, le souvenir qu’on en aura.