Avant Liège et après, jusqu'à l'invisible frontière avec l'Allemagne, le train ralentit. Le temps perdu et ce qu'on voit des fenêtres du train ont la couleur, le charme dépressif des romans de Dhôtel : la vallée de la Meuse, puis les reliefs, les vallons, les modestes altitudes, les rivières rapides et peu profondes, les petites villes au creux des collines, leur gare en brique, les bois enchevêtrés, l'automne presque invisible, le jour pâle et lumineux en haut des pentes, l'herbe des talus.
Autre temps - Page 3
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En chemin
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Versailles
Une libellule revient se poser sur la pierre blanche du banc - reste longtemps immobile au soleil, s'envole, revient vite. Selon un rythme inverse, des voitures ouvertes, peintes en vert (et à deux, quatre ou six places), traversent le rond-point, s'arrêtent moins d'une minute devant le bassin, diffusant autour d'elles une petite musique Grand Siècle, s'éloignent en soulevant la poussière. Au milieu de la fontaine, Cérès est allongée dans les blés, lève au ciel ses yeux de métal doré, cherche dans l'azur d'octobre la pluie de son jet d'eau éteint.
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Les découvertes de Sienne
"En 2001, des ouvriers qui travaillaient à mettre en place le maître-autel découvrirent une salle enfermée dans les fondations de la Cathédrale de Sienne. La construction mise au jour remonte au treizième siècle. La salle d'origine était adossée aux murs du baptistère. Elle avait été couverte de fresques. Puis, les travaux terminés, un changement intervint dans le chantier de la cathédrale ; les voûtes de la salle furent rabaissées, tronquant le haut des fresques. La pièce fut condamnée ; on l'oublia. Abritées de l'air extérieur et du jour, les peintures ont conservé leurs couleurs soutenues. Des scènes de la Passion et de la Résurrection : une Arrestation, une Crucifixion, les saintes femmes au Sépulcre, etc. Leurs personnages, plus grands que nature, se déploient sur les murs avec solennité (...)"
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Premier tableau
D'une façon ou d'une autre, vous avez passé les Alpes. Aller plus loin ne vous rapprocherait pas. Vous êtes en Italie. Le sac est posé à terre quelque part ; vous êtes sorti vous promener. La ville est déserte - ou plutôt désertée, envahie. C'est le temps où son théâtre fait relâche. N'a laissé que de gauches spectateurs sur la scène. Mais, après tout, le lieu peut suffire. L'éclat du soleil, le dessin de l'ombre, la forme d'une place. Cependant : vous avez poussé la porte d'un musée ou d'une église. Vous regardez des fresques, des panneaux, des toiles (c'est l'aveu, à l'abri des murs, que si vous voyagez, c'est d'abord pour voir de la belle peinture). Vous attendez que vous arrête une étoffe, un regard, une lumière, un geste peints.
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Promenade (Glenn Affric)
Il semble que de faibles différences d'altitude ou d'orientation suffisent ici pour tout changer à la végétation : la forêt disparaît, les buissons succèdent aux arbres, puis aux buissons la lande et les pierriers. La promenade alors (si courte soit-elle) est comme le départ de lointaines caravanes, quittant la campagne et les bois, remontant la vallée sans routes, s'acheminant vers le haut pays désert. Le sentier passe à mi-pente au-dessus des rives d'un lac, double un arbre mort. Vers l'amont, les eaux étroites se terminent dans les prairies. Au-delà : les brandes, la passe ouverte entre les sommets nus.
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Loch Bracadale
Haute, découpée, tournée vers l'ouest, une côte « où le soir la lumière entre loin comme la mer ». L'espace s'engouffre. On s'arrête au bord de la route ivres d'une forme de vertige horizontale.
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Dans l'escalier de Chambord
Quatre grandes salles autour de l'escalier central : la croix grecque du donjon de Chambord serait celle dont rêvaient les architectes de la Renaissance italienne. A la croisée de leurs églises, un dôme. Coiffés d'un lanternon semblable, je me demande alors quelle secrète analogie existe entre ces coupoles et le fameux escalier à double révolution du château.