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  • Schubert

    Le Voyage d'hiver, salle Pleyel.

    (D’où vient le vagabond ? De la ville, de la maison de sa bien-aimée, du lieu de son amour perdu. Où va-t-il ? Nulle part : il s’éloigne ; la destination manque ou n’est que l’envers de l’origine, dont le fantôme danse dans l’air, comme le feu follet qui perd le poète ou le corbeau qui l’accompagne. Le ruisseau retourne à la ville, le postillon en vient. Les directions sont marquées. Mais le marcheur est sans itinéraire, il n’y a pas de route pour lui, son errance passe en dehors des chemins. Sans point d’arrivée, le voyage n’a pas de fin inscrite dans le temps, il se terminera avec le voyageur : là-bas la mort rôde, c’est le vielleur qui tourne la roue de son instrument. L’hiver n’appartient plus au cycle de l’année ; le cercle a été brisé comme celui que l’amoureux grave dans la glace. Ce temps est une défection, c’est la saison du passé révolu : le gel ou la neige couvrent le souvenir d’une pellicule infranchissable. L’herbe et les eaux vives se devinent au travers.  Mais la transparence n’est qu’une illusion, elle procède du rêve ou de la folie et le froid est irréversible. Cette saison et ce pays de l’absence sont tels que le voyageur les chante ; sa colère y souffle, le givre est son amertume, l’espace sa nostalgie. Sa voix hante l’allégorie, la fait vivre de sa présence insigne et meurt avec elle.)

  • Platée

    Platée, de Rameau, à la Cité de la Musique.


    (La muflerie des immortels est, on le sait, infinie ; le tour qu’ils jouent à Platée le montre assez.  La nymphe est laide, sa bouche est pleine de « oi » si bien qu’on craint qu’elle soit un peu grenouille. Mais elle a le cœur tendre et s’amourache de tous, dieux et mortels, qui approchent ses terrestres paluds. Voici Mercure (ses discours sont si clairs, justement colorés et articulés qu’il semble que ce n’est plus  tel interprète ou tel rôle mais bien ici quelque chose comme le génie de la langue qui s’est rendu sonore et chante, selon sa tessiture et son timbre propres, les mots qu'il prononce). Le dieu messager avertit de la descente de Jupiter et de son projet : épouser Platée. Effectivement pendant toute une heure Platée sera la promise du dieu des dieux jusqu’à la survenue de Junon jalouse et l’éclat de rire qui dénoue la supercherie.  Aura-t-elle seulement profité du somptueux divertissement qui prélude à ses noces manquées : les métamorphoses, les vents féeriques qui font bruire le marais, les danses mouillées au bord de la glissade, les clapotis et les chuintements devenus sublimes et le manège de la Folie qui célèbre à rebours les plaisirs en pleurant et en riant la peine ?)