(Trop de temps passé à estropier de l'anglais, ce matin ; faisons une pause :)
The Nineteenth Century and after
Though the great song return no more
There's keen delight in what we have:
The rattle of pebbles on the shore
Under the receding wave.
(Yeats)
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Bartok
Concert à la Cité de la Musique.
Le Vrai Parisien en a parlé ; Bladsurb l'a commenté (première approche) ; si je les lis correctement, nous avons entendu la même chose.
Donc la Musique pour cordes, percussions et célesta, ce sera une prochaine fois (il me semble que j'aimais, dans le temps).
Quant au Prince de bois, il souffrait (pour moi) de la comparaison avec l'Oiseau de Feu, la semaine dernière (mais je ne me risquerai pas à un parallèle Bartok / Stravinsky). L’œuvre était surtitrée (les épisodes du ballet décrits en quelques phrases). Ça permet de mieux suivre mais en prenant le risque (pas complètement évité) de transformer la musique en illustration sonore un peu triviale. Le procédé m'a néanmoins permis de savoir le nom des passages que j'ai préférés : les interventions de la nature, la forêt animée, les fleurs pitoyables, les ondulations et le miroitement du ruisseau (saxophones (?), harpe, célesta) ; la danse du pantin et surtout son savoureux retour claudiquant.
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Rien à montrer
Certains « sites célèbres » et anciens de Chine ressemblent à leur nom, au pittoresque un peu creux. C'est peut-être le résultat d'une exploitation excessive : trop de monde a depuis longtemps chassé le charme des lieux. (Telle une formule poétique depuis des siècles répétée et reprise mille fois perd toute sa saveur - supposons qu'elle en avait une à l'origine). Les visiteurs continuent de venir non pour le plaisir qu'ils prennent à leur promenade mais obéissant à une tradition vénérable. Il n'y a rien à voir (et cette note se réduit à ce commentaire).
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L'affiche
- les services centraux décident de tout et ne tiennent pas compte de nos remarques. Mais ils ne peuvent pas tout savoir ! Par exemple, l'affiche qu'ils nous ont envoyée : tu l'as vue, elle est dans l'entrée. Oui, la fille a les traits asiatiques ; oui, elle est mignonne. Mais le soir même (on venait de l'accrocher), dès que la femme de ménage l'a vue, elle a dit : ce n'est pas une chinoise ! c'est une coréenne ! ça va porter malheur ! (également, paraît-il le fait que la figure ne soit pas entière, qu'elle soit cadrée à mi-corps). Ça n'a pas manqué : le lendemain quelqu'un est mort à l'étage du dessus.
- pourquoi l'étage du dessus ? -
Le démon de la symétrie
Dans le René Leys de Segalen. Symétrie selon un point (marche du cavalier sur l'échiquier des rues de Pékin) :
- Et il précise, avec des mots cherchés, un très curieux état de transposition visuelle dont je ne connaissais pas d'autre exemple : ainsi, quand il se promène en un point précis de Pei-king, mettons dans une rue au Sud-Ouest, il a la certitude de voir, devant lui, mais comme dans un miroir aux images symétriques, le point correspondant, mais en diagonale exacte ; en ce cas : la ruelle du coin Nord-Est ; mieux : il se promène à sa guise dans ce lieu géométrique, aussi longtemps qu'il garde les yeux grand ouverts ; sans ciller. Il lui faut aussi ne pas respirer. Le détail vraiment neuf est que tous ses mouvements subissent la même transposition diagonale : il tourne à droite s'il veut aller à gauche...
Symétrie selon un plan :
- Il y a des puits... comme dans toute la plaine environnante... C'est le même terrain, et l'eau des Lacs ne suffirait pas... (...) - j'en ai vu, au Temple du Ciel, de remarquables : une énorme margelle de marbre monolithe, comme un tambour de jade, comme une grosse bague de pouce pour tirer de l'arc, et qu'on aurait bien posée à plat, avec ces centaines d'encoches lissées par la corde... celle du puits, - vous savez la corde qui file dans la terre jusqu'à la nappe où l'on voit un pan de ciel... Et quand on relève la tête, on perce également à travers le toit du kiosque, par un trou de même diamètre que la bague, et l'on s'attend, par réflexion inverse, à voir le puits se tourner bout pour bout et se forer dans le ciel qui refléterait l'eau du puits... -
Ravel, Debussy, Stravinsky
Au Châtelet.
Zvezdoliki a déjà tout dit. Je me contente de rajouter quelques citations qui valent pour elles-mêmes.
Passons sur Ma mère l'oye de Ravel, « que je découvre », et que j'oublie avec les Nocturnes de Debussy :
- Nuages (les nuages qui passent ... là-bas... là-bas ... les merveilleux nuages ! comme dit Baudelaire). Processions de mouvantes architectures dans les hauts ciels lumineux de l'Île de France (si Debussy voulait d'autres images, il fallait donner un titre moins évocateur). Mais d'un coup, qu'il fait sombre ! on se croirait dans les souterrains du Château d'Allemonde, avec l'odeur de mort qui monte.
- Fêtes. Musique circulaire traversée par une marche. Quel cortège ! D'un bloc, massif, sonore, irrépressible.
- Sirènes : celui que j'ai préféré des trois, ce soir. Mise en scène : Geneviève et Mélisande se sont promenées dans les jardins au-dessus de la mer. Leur regard a suivi le départ du navire qui fera peut-être naufrage. Maintenant le rivage a disparu. Le bateau est invisible (ce qui fait peur). Personne, aucun Ulysse dans ce paysage abstrait. Les voix des sirènes n'ont rien d'humain (elles font partie des éléments, des instruments de l'orchestre). Les motifs prolifèrent, comme de pures vagues sans profondeur (je songe à l'océan métaphorique d'Un coup de dés). Détails multipliés à travers l'étendue, effacés par une bourrasque, ressurgis, naissent du vent, sont le vent (pas de ciel, pas de mer).Mais le meilleur est encore à venir avec la seconde partie : l'Oiseau de feu, de Stravinsky. Je ne connais pas l'argument du ballet ; les épisodes se succèdent et j'invente : quel volatile ! quelquefois toute une basse cour, ébouriffée, crachant des plumes ou des étincelles aux quatre coins de l'orchestre. D'autres fois il pépie ou plane mélodieusement dans la paisible aurore d'une rustique Russie (est-ce un chant d'église qu'on entend ?). Il balaie tout ça brutalement d'un coup d'aile oblique et entreprend une course-poursuite avec lui-même. Se repose, se cache dans une caverne pleine d'ombres, se métamorphose en dragon. Pour finir, ressort, satisfait, et se laisse admirer ; se gonfle, déploie les unes après les autres ses rémiges ; il fait la roue ou bien c'est le soleil :
Dis si je ne suis pas joyeux
Tonnerre et rubis au moyeux
De voir en l'air que ce feu troueAvec des royaumes épars
Comme mourir pourpre la roue
Du seul vespéral de mes chars. -
Tristan et Isolde (3)
A l'Opéra Bastille.
Hier soir, difficile de résister à la tentation d'y retourner, malgré la crainte d'être déçu par la reprise d'un spectacle qui a été l'un des plus beaux que j'aie eu l'occasion de voir. Mais faut-il une excuse ?
Certes l'Isolde de l'automne est loin de valoir l'Isolde du printemps ; le Tristan de novembre n'est pas le Tristan d'avril (au début on craint même la catastrophe). Mais tant de choses extraordinaires demeurent : le finale de l'Acte 1 et la béance entre la musique de la mort/ l'amour/ la mer et celle du rivage et du monde des vivants (lumière et choeurs dans la salle) ; l'extase orchestrale avant la prière à la nuit (O sink hiernieder ...) et puis l'avertissement de Brangäne (Einsam wachend in der Nacht ...) ; le chant désolé de Marke avec l'aube affreuse à la fin de l'Acte 2 ; le prélude de l'Acte 3 (le bruit des vagues qui se brisent) ; la mélodie du pâtre (Öd' und leer das Meer) ; cet enfant qui allume et puis souffle une flamme ...