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  • Manque de discrétion

    Je suis au cinéma avec M. Je me surprends à parler un peu trop fort, lisant à haute voix dans un programme : Civeyrac, Rivette, Desplechin. Je me demande après coup si mon enthousiasme n'est pas lié à l'apparition quelques instants plus tôt de Jeanne B (ou de son double) venue s'asseoir dans la rangée de devant.

    Ce ne serait pas la première fois. Je me souviens d'un épisode des Vampires de Feuillade dans la salle des Grands Boulevards. Ah le silence des séances de cinéma muet à la Cinémathèque !

  • La Main

    Au cinéma, Eros. Trois court-métrages accolés : après avoir vu celui de Wong Kar-Wai, on oublie les deux autres, Antonioni et ... comme s'appelle-t-il déjà ? Cependant chez le premier n'y avait-il pas comme un parfum de La Prisonnière ou de La Fugitive, qui rappellerait son chef d'oeuvre Identification d'une femme ?

    La Main, de Wong Kar-Wai. C'est le constraste entre la matière inorganique, superficielle et bariolée : bijoux et tissus (mais aussi verre, papier peint, escaliers, reflets) et le corps vivant, plein et pâle, qui s'y abrite (vivant, c'est à dire qui jouit, souffre, meurt). La main (et l'oeil) glisse à travers cela pour trouver ceci.

  • Black Narcissus

    Au cinéma, Le Narcisse noir, de Michael Powell.

    Etrange comme ce film fait penser à Solaris. Les religieuses, au départ pleines de leurs certitudes, perchées dans leur vaisseau solitaire, au-dessus de l'abîme, au milieu d'une Inde splendide et trouble, face au silence de dieu des cimes, interrogeant en vain le vieux sage muet, obsédées par des visions du passé (mais également, il faut le dire, par le séduisant Mr Dean qui se promène à peu près nu dans le couvent). Elles finissent par fleurir (au moins Sister Ruth qui vire au beau violet sombre).

  • Gone to earth

    Au cinéma, La Renarde, de Michael Powell.

    Les éléments d'un conte :
    - la chair entre dieu et le diable : la peau blanche du pasteur sous son col dénoué ; contre les belles et grandes dents du châtelain ; avec pour finir, le bouquet foulé aux pieds
    - les messieurs en noir et la veste rouge des chasseurs
    - les sonneries du cor qui vont et viennent comme dans Zwielicht d'Eichendorff (et de Schumann)
    - le cavalier noir dans l'encadrement de la porte de l'auberge
    - le serment sur le cercueil où la femme-renard est prise
    - le gouffre au bord du chemin d'un dimanche de fête et la prédiction de Hazel : le monde est un piège.

  • Stifter

    Souvenir d'un autre été :

    Ce n'est pas la première fois que tu écris ceci. Aujourd'hui tu devais prendre l'avion. C'est le matin, l'été. La rue est déserte. Les arbres pleins de feuilles sont éclairés de côté et la lumière vient de derrière toi. Mais le hasard ou la mauvaise volonté font que tu ne pars pas. Tu rentres bredouille. Après un bref voyage tu aurais dû passer la journée dans cette autre ville au bord de l'eau. Les souvenirs d'autres fois vont t'accompagner toutes ces heures comme auraient pu être celles de cette journée ailleurs. Tu n'attendais rien d'imprévu.

    Chaque moment est doublé d'un autre moment là-bas. Il y a les accents d'une langue étrangère dans les rares paroles qu'on veut bien te dire. Il y a les reflets d'une autre rive avec le soleil dans les eaux du fleuve.

    Le temps change dans l'après-midi, il pleut. Mais avant la nuit, le ciel se rouvre. Le soleil ternit les lampes déjà allumées dans les appartements ; puis le second jour vire lui aussi au noir.

    Dans chacune de ces pauvres phrases on pourrait retrouver une phrase déjà écrite, peut-être, ou déjà lue. C'est dans un roman de Stifter. A la fin de la vie vient un bref moment où avant que l'obscurité l'emporte il semble que l'été renaisse. Dans ce temps le désir et le présent sont réconciliés, les échecs de tout un passé s'effacent, les lointains et notre demeure ne font qu'un.

  • Human desire

    Au cinéma, Désirs humains, de Fritz Lang.

    Je ne crois pas qu'il s'agisse de son meilleur film. Mais il y a Gloria Grahame qui joue merveilleusement du sourcil ... et bis repetita : avez-vous vu Gloria Grahame dans le Violent de Nicholas Ray

     

  • Le Rayon vert

    Au cinéma, I know where I'm going, de Michael Powell.

    En quelques séquences rétrospectives, de la petite enfance à l'adolescence, le générique illustre la devise de notre héroïne : je sais où je vais. Dans la première scène, on la voit annoncer à son père son mariage avec les industries pétrochimiques britanniques (ou plus exactement avec leur propriétaire). Dans un restaurant, au milieu d'une foule bruyante, la jeune femme maîtrise tous les codes (commander un verre, renvoyer un plat) ; règle en quelques phrases les problèmes d'argent et la situation familiale, avec son interlocuteur abasourdi.

    Ensuite commence le voyage en train, selon un itinéraire dactylographié et établi à la minute près, jusqu'à cette île au fin fond de l'Ecosse où le mariage doit avoir lieu. Joan s'endort dans un compartiment plein des reflets d'elle-même, et bientôt de ses rêves.

    Mais presqu'à destination, un obstacle surgit qui rend la dernière traversée impossible : le brouillard. Joan attend avec sa valise à l'embarcadère dans le crépuscule. Il est question obscurément d'un château et d'une malédiction. Des silhouettes passent conversant dans une langue incompréhensible. Une petite communauté s'interpelle et se salue l'ignorant presque complètement. Le mouvement est arrêté ; tout ce qui était clair est devenu confus ; elle était au centre, elle n'est plus nulle-part ; un coup de vent lui arrache l'itinéraire des doigts qui tombe dans l'eau noire et sombre.

    Après comme dans Le Rayon vert, il y a l'Ecosse, une tempête, le maelstrom ; et à la fin, quand le ciel s'apaise, on a trouvé tout autre chose que ce que l'on prétendait chercher.