Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Feux

    La prédelle du retable de San Zeno, dans l'exposition Mantegna au Louvre.

    Le calvaire est situé, dirait-on, à l'un des sommets du monde : la courbure du globe est visible. Le sol est pâle, convexe et lisse comme le haut d'un crâne gigantesque, conforme à l'étymologie. A l'arrière plan : la ville de Jérusalem et une étrange aiguille de roches brun rouge où le sépulcre est creusé (Le lieu de chaque scène se repère selon ces deux points, tournant, se rapprochant ou s'éloignant).

    La pierre et le bois sont les élément constitutifs : ils s'imbriquent sans intermédiaire. Les croix sont plantées dans la roche (on voit les trous vides où elles s'encastrent) ; elles sont fixées par des coins ou des blocs amoncelés. Dans la Résurrection, les arbustes font éclater la paroi du sépulcre.  La pierre se délite comme une bûche qu'on fend. Une même matière, ligneuse et minérale, saisit les choses et les êtres : les plis des robes, les rides creusées, les lèvres ouvertes, les corps raidis.

    Dans la Résurrection, un feu embrase la matière. La renfoncement où est placé le tombeau est taillé comme un âtre dans la roche. Le Christ porte la bannière de saint Georges ; derrière lui : un halo de chérubins blancs à sa gauche et rouges à sa droite. De façon inverse, la paroi apparaît blanche de ce côté (car la lumière de l'aube tombe d'aplomb sur la pierre) ; en face, la lueur surnaturelle éclaire le roc latéralement et, rasant la surface fissurée et inégale, fait naître un rougeoiement précieux filé de noir.

     

  • Marbres

    Il nous regarde en parlant. Ses grands yeux roulent. La pupille n'est qu'un point noir, sans profondeur. Ses yeux bleu blanc  sont de pierre ; une marqueterie de marbre ou semblables à ces billes que, dans l'enfance, on appelait porcelaines.

  • Mort obscure

    Dans le Palazzo Principe, villa bâtie pour Andrea Doria aux portes de Gênes. Un beau portrait attribué à Salviati donne un visage à l'un des héros sans gloire de la Conjuration du comte de Fiesque du Cardinal de Retz : Gianettino Doria, fils d'un cousin, était l'héritier choisi par Andrea Doria. Il est tué par les conjurés, presque par mégarde, dans la nuit où ceux-ci lancent leur assaut contre les maîtres de Gênes.

    Jannetin Doria, éveillé ou par le buit qui se fit à cette porte ou par les cris qui se faisaient en même temps dans le port, se leva en grande hâte, et, sans être suivi d'autre personne que d'un page qui portait un flambeau devant lui, il accourut à la porte de Saint-Thomas, où, ayant été reconnu par les conjurés, il fut tué en arrivant.

    La mort de Jannetin est décrite quelques lignes avant celle de son adversaire, Fiesque. L'escamotage du personnage principal détermine alors l'échec de la conjuration et fait un contrepoint presque burlesque aux graves considérations de politique et de stratégie qui l'ont précédé :  

    (...) craignant que, dans cette confusion, la chiourme ne relevât la capitane, sur laquelle il entendait beaucoup de bruit, (Fiesque) courut en diligence pour y donner ordre, et, comme il était sur le point d'y entrer, la planche sur laquelle il passait venant à se renverser, il tomba dans la mer ; la pesanteur de ses armes et la vase, qui était profonde en cet endroit, l'empêchèrent de se relever, et l'obscurité de la nuit jointe au bruit confus qui se faisait de toutes parts ôtèrent aux siens la connaissance de cet accident, en sorte que, sans s'apercevoir de la perte qu'ils avaient faite, ils achevèrent de s'assurer du port et des galères.

    (...) Le corps du comte fut trouvé au bout de quatre jours, et ayant été laissé quelque temps sur le port sans sépulture, il fut enfin jeté dans la mer par le commandement d'André Doria.

  • Palais de Gênes

    La montagne et la mer sont la presse énorme où la ville a grandi. Son action se retrouve dans les prestigieux palais de la Strada Nuova. Chaque époque a forcé un passage à travers l'élément comprimé de la ville : les palais ne sont pas disposés aux limites d'une place ;  leur façades s'alignent sans recul le long d'une percée rectiligne et fermée ; on ne les voit que de profil comme les architectures dans les Noces de Cana de Véronèse. Elles paraissent trop hautes à la mesure de la rue (même si la saillie des toits ne va pas jusqu'à en couvrir toute la largeur comme elle le fait en certains endroits de la vieille ville). Mais la merveille de ces palais est souvent dans l'espace qu'ils ménagent en leur sein selon la double contrainte de l'exiguïté et de la dénivellation : les escaliers majestueux et les cours bordées de portiques solides, régulières et aériennes.