La prédelle du retable de San Zeno, dans l'exposition Mantegna au Louvre.
Le calvaire est situé, dirait-on, à l'un des sommets du monde : la courbure du globe est visible. Le sol est pâle, convexe et lisse comme le haut d'un crâne gigantesque, conforme à l'étymologie. A l'arrière plan : la ville de Jérusalem et une étrange aiguille de roches brun rouge où le sépulcre est creusé (Le lieu de chaque scène se repère selon ces deux points, tournant, se rapprochant ou s'éloignant).
La pierre et le bois sont les élément constitutifs : ils s'imbriquent sans intermédiaire. Les croix sont plantées dans la roche (on voit les trous vides où elles s'encastrent) ; elles sont fixées par des coins ou des blocs amoncelés. Dans la Résurrection, les arbustes font éclater la paroi du sépulcre. La pierre se délite comme une bûche qu'on fend. Une même matière, ligneuse et minérale, saisit les choses et les êtres : les plis des robes, les rides creusées, les lèvres ouvertes, les corps raidis.
Dans la Résurrection, un feu embrase la matière. La renfoncement où est placé le tombeau est taillé comme un âtre dans la roche. Le Christ porte la bannière de saint Georges ; derrière lui : un halo de chérubins blancs à sa gauche et rouges à sa droite. De façon inverse, la paroi apparaît blanche de ce côté (car la lumière de l'aube tombe d'aplomb sur la pierre) ; en face, la lueur surnaturelle éclaire le roc latéralement et, rasant la surface fissurée et inégale, fait naître un rougeoiement précieux filé de noir.