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  • Cerises

    ...Oh quand vous parlez de votre Violaine, c'est comme du sucre,
    C'est comme une cerise qu'on suce, au moment que l'on va cracher le noyau !

    (Claudel, la Jeune Fille Violaine)

  • Singapour

    Quand nous sommes sortis du centre de conférences, nous étions face à la ville de Singapour. Je voyais devant moi, sur la rive, le désordre des constructions enchevêtrées, où nul plan ne se devine (le bâtiment des conférence occupe un îlot artificiel face à l'ancienne ligne des docks). Les immeubles cachent à leur pied les rues et les voies de circulation. Ce sont des cubes de bétons, parfois vitrés, plus ou moins défraîchis, les plus vieux noircis par l'humidité, d'où s'élèvent les tours modernes des grands hôtels, couronnées de leur enseigne lumineuse que la nuit mouillée entoure d'un halo. Mes collègues lisaient là-bas le nom de leur gîte, et connaissaient le chemin ; le mien n'apparaissait pas parmi les marques illuminées : il me faudrait aller chercher plus loin à droite, à l'aveuglette. Nous nous sommes séparés, non sans nous être promis de nous retrouver plus tard ici, sur la jetée du plus moderne des palaces. Il faut avoir bu un verre face au large, sur l'ultime plate-forme en avancée, parquetée de bois précieux, les visages enluminés par les bouffées des torchères, devant l'horizon maritime avec les loupiotes des navires qui clignent. Des navettes électriques vous y emmènent trop vite, après une subite accélération dès qu'elles ont dépassé le quai. J'étais déjà assis dans le petit véhicule semblable à ces nacelles qu'on trouve dans les fêtes foraines : deux hôtesses vous y accueillent distraitement ; elles ne sont plus si jeunes que leur habit ou leur silhouette pourrait le faire croire d'abord. Je remarquais que l'une d'elles portait un étrange bijou : un collier formé d'un seul anneau serré autour du cou et dans lequel un second anneau est glissé, plus petit, qui tombe dans la nuque ; il fait comme le premier maillon d'une chaîne dont l'image tristement peu à peu s'imposait à moi.

  • Lire, l'été

    Je lis allongé ce soir sous la fenêtre ouverte ; et, si je lève les yeux, je vois dehors un carré du ciel tranquille. L'été y vogue lentement avec quelques nuages bleus, presque arrêtés. M'interrompant décidément, je pourrais méditer sur ces trois chambres emboîtées : la chambre de l’œil, la chambre réelle qu'est la pièce où je suis et, au-delà, la chambre du monde ; et je ne sais quelle preuve, quelle conclusion de commensurabilité ou d'incongruité, sortira de la considération de ces espaces gigognes. Si je rêvasse assez longtemps le crépuscule tournera au noir et les constellations apparaissant offriront une vision négative, illisible et cosmique de la page que je tiens debout sur mon ventre. Non — à Paris, on ne voit guère les étoiles.

  • "One of those deep observations"

    With reflections of this nature [Miss Bridget] usually, as has been hinted, accompanied every act of compliance with her brother's inclinations; and surely nothing could more contribute to heighten the merit of this compliance than a declaration that she knew, at the same time, the folly and unreasonableness of those inclinations to which she submitted. Tacit obedience implies no force upon the will, and consequently may be easily, and without any pains, preserved; but when a wife, a child, a relation, or a friend, performs what we desire, with grumbling and reluctance, with expressions of dislike and dissatisfaction, the manifest difficulty which they undergo must greatly enhance the obligation.

    As this is one of those deep observations which very few readers can be supposed capable of making themselves, I have thought proper to lend them my assistance; but this is a favour rarely to be expected in the course of my work. Indeed, I shall seldom or never so indulge him, unless in such instances as this, where nothing but the inspiration with which we writers are gifted, can possibly enable any one to make
    the discovery.

    (Henry Fielding, Tom Jones, I v)

  • Etale

    Depuis longtemps, l'espace a nivelé l'étendue ; les cieux renversés reposent dans la plaine comme, sous la surface d'une mer étale, les profondeurs de l'océan.  Les fleuves et leurs rives s'égalent à la seule altitude zéro. Leurs dessins conjugués errent et zigzaguent librement. Au petit matin, la terre éteinte par l'éclat des eaux, l'estuaire est tout le pays. Du côté du soleil, les cataractes du levant soulèvent de brillantes nuées ; sous leur pied les affluents mineurs s'abouchent à la lumière ;  et la clarté de miroir qui sourd à l'horizon, coulant par nulle pente, remplit les bassins et les canaux jusqu'au milieu des champs. 

  • Sir Edward Bulwer Lytton believes himself invisible

    Mrs Huth Jackson in A Victorian Childhood says: 'Lord Arthur Russel told me, many years later, that when a small boy he was taken to Knebworth by his mother. Next morning he was in the big hall having breakfast when a strange-looking old gentleman in a shabby dressing-gown came in and walked slowly round the table staring at each of the guests in turn. He heard his mother's neighbour whisper to her, "Do not take any notice, he thinks he is invisible." It was Lord Lytton himself.'

    (Virginia Woolf, Flush)

  • Jude the Obscure

    My children--

    -- are dead

    And it is right that they should be!

     

    I am glad--

    -- almost

    They were sin-begotten.

    They were sacrificed to teach me how to live! 
    Their death was the first stage of my purification.
    That's why they have not died in vain! 

     (Hardy, Jude the Obscure, les "stances" de Sue)