C'est que les compositions d'Auersberger ne sont nullement ignorées, pensais-je maintenant dans le fauteuil à oreilles, le successeur de Webern, Auersberger, n'est nullement méconnu, pensais-je, c'est au contraire à tout moment que l'on chante, souffle, pince quelque chose de lui (il est là pour y veiller !), à tout moment que l'on bat ou gratte quelque chose de lui, tantôt à Bâle, tantôt à Zurich, tantôt à Londres, tantôt à Klagenfurt (il est là pour y veiller !), ici un duo, là un trio, ici un choral de quatre minutes, là un opéra de douze minutes, là-bas une cantate de de trois minutes, ici un opéra de quelques secondes, là un lied d'une minute, ici une aria de deux, là de quatre minutes ; tantôt il s'est assuré les soins d'interprètes anglais, tantôt français, tantôt italiens, tantôt c'est un violoniste polonais qui le joue, tantôt c'est un portugais, tantôt la clarinettiste est chilienne, tantôt elle est italienne. A peine a-t-il débarqué dans une ville qu'il pense déjà à la suivante, comme je le pense, notre infatigable successeur de Webern, notre grand voyageur et trotte-menu Auersberger, notre infatigable copieur de Webern et de Grafen, notre écrivailleur de musique snob et chic venu de Styrie. Tout comme Bruckner est insupportablement monumental, Webern est insupportablement chétif, mais encore cent fois plus chétif que le chétif Anton von Webern, tel est notre Auersberger (...)
(Bernhard, Des Arbres à abattre, trad. B Kreiss)
(PS : quelqu'un sait-il qui est le mystérieux Grafen ?)