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  • Souffle

    Le Parnasse de Claude Lorrain, dans l'expostion du Louvre.

    (Il y a bien un temple de pierre au sommet de la montagne, à gauche ; mais le Temple véritable ce sont les arbres sur l'épaulement, à mi-pente. Les troncs plus idéaux que des colonnes marquent l'aire où se tiennent Apollon et les Muses. Les poètes s'assemblent dans la pénombre, comme les bêtes viennent boire au fleuve mêlé des eaux de la source Hippocrène, et le jour naissant dresse un fond d'or dans le sous-bois. Cependant, au-dessus de la lyre du dieu, une agitation trouble le feuillage, comme :)

        Le visible et serein souffle artificiel
        De l'inspiration qui regagne le ciel

     

  • Lèpre

    « Un soir, dans sa maison, prenant le café après le dîner, je me trouvais à côté de [Hegel] dans l'embrasure d'une fenêtre, et moi, jeune homme de vingt ans, je regardais avec extase le ciel étoilé, et j'appelais les astres le séjour des bienheureux. Le maître grommela en lui-même : "les étoiles, hum ! hum ! les étoiles ne sont qu'une lèpre luisante sur la face du ciel." – "Au nom de Dieu ! m'écriai-je,  il n'y a donc pas là-haut un lieu de béatitude  pour récompenser la vertu  après la mort ?" Mais Hegel, me regardant fixement de ses yeux blêmes, me dit d'un ton sec : "Vous réclamez donc à la fin encore un bon pourboire pour avoir soigné madame votre mère pendant sa maladie ou pour n'avoir pas empoisonné  monsieur votre frère ?"  »

    (Heine, De l'Allemagne)

  • Nebensonnen

    L'Origine du corail, dans l'exposition Lorrain du Louvre.

    (Voit-on jamais le soleil se refléter ainsi dans la mer ? non, je pense à un autre spectacle : à la voûte du Panthéon de Rome ; la lumière du soleil pénètre par l'oculus et peint un second cercle de même taille plus bas dans la coupole. Là le regard de Méduse a véritablement fini de pétrifier l'univers ; les cieux sont de pierre, l'horizon est clos et l'arbre et l'arche naturelle ont composé les colonnes du portique.)

  • Joueurs de violon

    « Le joueur de violon Solomons, qui donnait des leçons au roi d'Angleterre George III, disait un jour à son illustre écolier : "Les joueurs de violon peuvent se diviser en trois classes. A la première appartiennent ceux qui ne savent pas jouer du tout ; à la seconde, ceux qui jouent mal ; et à la troisième ceux qui jouent bien. Votre Majesté s'est déjà élevée jusqu'à la seconde classe."  »

    (Heine, De l'Allemagne.)

  • Lessive

    Paysage avec l'archange Raphaël et Tobie de Claude Lorrain, dans l'expostion "Nature et Idéal", au Grand Palais.

    ("La mélancolique lessive d'or du couchant" va-t-elle emporter le monde ? Le paysage d'estuaire se défait doublement dans le soir, l'obscurité effacera la terre comme la mer absorbe le fleuve. Les montagnes au loin seront balayés ainsi que les nuages, de même couleur. Mais, avant la nuit, l'ange indique à Tobie, enfoui dans les entrailles du poisson, le remède à la cécité de son père, comme la formule d'une aube miraculeuse et future.)

  • Pierre de Cortone

    Paysages de Pierre de Cortone dans l'exposition "Nature et Idéal", au Grand Palais ; également à Rome, galleria Barberini, la Vue de la villa Sachetti à Castel Fusano.

    (C'est ici vraiment que

      la vie afflue et s'agite sans cesse,
    Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer

    Ici on voit le frémissement élémentaire ; comme la branche dans le lit du vent, ou les herbes d'eau prises dans un courant, les êtres sont empreints par un souffle essentiel. La même impulsion fait que l'oiseau prend son vol et que les nuages s'assemblent au-dessus des monts, que la paysanne se retourne, que la baigneuse se détourne. Les voyageurs sont en marche. La brise favorable gonfle la voile, le fleuve roule dans la contrée, les fenêtres sont ouvertes dans les maisons que l'air traverse de part en part. La terre est fertile, giboyeuse et habitée.)

  • Saint Jean à Patmos

    Saint Jean à Patmos de Poussin dans l'exposition "Nature et Idéal", au Grand Palais.

    (Je ne peux voir, au plan intermédiaire, cet obélisque et ce temple vu de côté sans songer à un paysage réel : le profil de la Trinité des Monts et, devant lui, l'obélisque qui domine la place d'Espagne tels qu'ils apparaissent au débouché de la via Sistina et de la via Gregoriana, à Rome. Au-delà, en contrebas, à gauche s'étend la ville baroque et le Tibre et, sur l'autre rive, le mur circulaire du château Saint-Ange que le tableau représente explicitement. Le côteau où le prophète est assis est alors le rebord du Pincio ; la colline est rendue à la nature et jonchée de ruines. Rome au loin est travestie à l'antique. Le prophète, indifférent au paysage, ignore la glaise à modeler et les blocs prêts à être assemblés qui l'entourent. Il confie sa vision au papier ; et autour de lui, semblablement, le peintre ordonne le monde selon la métamorphose. )