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  • Haydn, Bruckner

    Concert à la salle Pleyel.

    (Quand l'Adagio de la 7ème de Bruckner commence, il ne semble que rendre sensible une musique antérieure. On l'entend la première fois comme une répétition. Quelque chose courait souterrainement qui maintenant affleure. Ce n'est qu'après l'apogée du mouvement (avec coup de cymbales et sonnerie de triangle) que le thème enfin retentit isolément, mis à nu, lavé des voix antérieures ; il résonne dans l'espace que l'énorme marée sonore, en se retirant, a dégagé.)

  • Herbes hautes

    Malgré lui, nous le ferons partir et quitter son exil. Il est seul à pouvoir arrêter l’enchaînement désastreux, la guerre, notre défaite. Sa présence là-bas, de l'autre côté de la frontière, suffira à dénouer la crise. Il n’a rien à craindre de nos adversaires, sa renommée est grande chez eux. Le conseil secret s’est réuni tard dans la nuit ; nous avons fait naître les bruits les plus insultants ; nous avons parlé de trahison, d’intelligence avec l’ennemi. Sa villa sera attaquée au petit matin. Il ne lui sera laissé que le temps de fuir.

    D’ici à l’autre bord, le seul passage est cette machine de bois qui enjambe le ravin et que personne n’a empruntée depuis des lustres. Les poutres sont arrangées en plates-formes qui s’échafaudent en escalier, montant puis descendant. Chaque palier est couvert d’herbes hautes. Il faut y progresser à genoux, agrippant l’herbe à pleines mains.

  • Mozart, Brahms

    Concert à la Salle Pleyel.

    (Quelquefois chez Mozart, je crois trouver l'empreinte d'un sentiment différent du temps : dans la 41ème symphonie, comme dans le 24ème concerto pour piano, on dirait qu'un autre souffle emporte la musique ; ce n'est plus l'écoulement invariable et irréductible de sa propre durée. Une pointe mortelle s'est insinuée dans l'élément immuable. Notre vie va finir et l'époque, qui en est l'amplification, s'achèvera pareillement. Dans les soupirs trop profonds de l'Andante, dans les accélérations de l'allegro initial, j'entends le pivotement des siècles, la conscience d'un âge révolu et d'un âge nouveau.)

  • Mûrissement des mots

    Lu dans le journal du week-end à propos des vignobles français :

    The grapes, they said, had benefited from a severe winter that killed off harmful bugs and allowed the wines to rest. A wet spring had also resplenished a depleter water table, helping to produce a humper crop.
    Most important, summer has been unusually fine, warm and dry yet not too hot. Nights were noticeably cooler than in the heatwave vintage of 2003, for example, when many grapes turned to raisins on the vine.

  • Reprise

    Bien des fois j'ai cru lire en passant, là au bord des voies, peintes noir sur un grand portique jaune, ces deux syllabes : FEDCAB ; mais ce n'était pas cela. Aujourd'hui me retournant, je vois que ce sont, de droite à gauche, les six premières lettres de l'alphabet.

  • Summertime, de Coetzee

    Summertime, de Coetzee.

    Coetzee est mort. Un biographe rassemble des matériaux pour un essai qui présentera l'écrivain à son retour en Afrique du Sud, dans les années 1970. Il a trouvé, parmi les carnets laissés par l'écrivain,  des ébauches autobiographiques pour cette période. Il a conduit une série d'interviews avec des personnes qui ont connu Coetzee à ce moment-là. Nous lisons successivement quelques fragments de Coetzee (brièvement annotés de sa main), les interviews plus ou moins retravaillées par le biographe puis une seconde série de notes.

    Les notes ont le ton et la manière des fictions autobiographiques publiées précédemment par Coetzee : Boyhood et Youth (Le récit est à la troisième personne, l'auteur s'observe avec une certaine distance narquoise). Nous y retrouvons le même personnage, coriace, solitaire et silencieux. Notre héros fait triste figure : vivant chez son père dans une maison délabrée de la banlieue du Cap. Les deux hommes forment un couple mal assorti, tard-venu et vieillissant ; l’un est célibataire, l’autre veuf. Ils ne s’entendent pas et ne se parlent guère. Le fils semble partagé entre le devoir de vivre avec son père et l’envie de l’abandonner à son misérable sort.

    Dans le tête-à-tête autobiographique, les interviews ouvrent une diversion bienvenue. Sauf exception, les interviewés n'apparaissent pas dans les notes. Le plus souvent ils ne parlent qu'avec réticence de Coetzee, soit par discrétion, soit parce que celui-ci n'est qu'un médiocre ingrédient de leur propre histoire. La plupart ne l'ont pas lu et l'homme ne les a pas impressionnés. Mais leur récit ajoute quelques traits burlesques et quelques couleurs extravagantes au portrait de Coetzee (entre autres, une théorie sur le deuxième mouvement du quintette pour cordes de Schubert). Surtout leur voix est indéniablement vivante ; et la sécheresse ou la circonspection qu'on reproche à l'auteur n'ont pas étouffé sa prédilection pour deux de ses personnages : la bien-aimée cousine Margot et l'inflexible Adriana Teixeira Nascimento. 

     

  • Ravenne

    Ravenne (20).JPGSant'Apollinare in Classe, "la Transfiguration sous une forme symbolique et saint Apollinaire en orant".

    (Au revers des murs, les mosaïques brillent comme le jour extérieur, retourné comme un gant. Autour de la pupille étoilée et crucifère, l'abside est un oeil concave. Le regard se tourne vers le point qui voit.)