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Fumées

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Notre passé comme l'emmêlement des fumées d'une succession d'incendies sans durée,
nous comme un feu bref et une plus longue fumée – avec devant nous de l'air, mais de moins en moins d'air, et le feu de moins en moins vif.
Fragments dont se fait mon imperceptible sillage dans l'immense et dans l'inconnu ; bûchers et jardins, murs de jardins, parfums de pivoines et d'iris, promenades apeurées sur de minces remparts et des tours, rares scènes de dispute entrevues ou imaginées comme dans un théâtre affreux, vieilles dames recluses dans l'ombre qui agrandit encore les hautes chambres, tristesse des jours d'école, figures de "maîtresses" colériques comme de grands coqs, lieux mystérieux et attirants comme l'arsenal, la scierie, telle petite maison perdue à l'orée d'un bois ; les écluses, les filatures, la prison surplombant la rivière. La tristesse, aussi, des montagnes glacées, la beauté du bruit du torrent qui coule en contrebas du grand parc plein de fougères et de champignons.

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(Philippe Jaccottet, Taches de soleil, ou d'ombre)

 

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