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"Le monde a eu sa raison d'être"

Dimanche 19 mars [1893].

Je trouve Mallarmé au concert. On y joue la fin du Crépuscule des dieux et, en revenant, le long des Champs-Elysées, il dit, à propos de ce morceau : "Ah ! c'est extraordinaire de férocité. L'orchestre s'acharne autour de cette mourante, il hurle autour d'elle. Parfois, il la caresse sournoisement, la frôle, puis chaque instrument emporte d'elle comme un lambeau, une mélodie. Puis, Bünnehilde morte, tout continue, les instruments libérés se mêlent et ce sont des bruits de la nature, le vent, la foudre, la pluie qui lui survivent... Et tout peut recommencer : la grande épopée qu'elle a contenue, toutes les images de la nature qu'elle a crues des dieux et qui en étaient les grandes forces personnifiées."

"Oh ! ajoute-t-il, ce sont des pages décisives. Après cela, tout peut crouler Le monde a eu sa raison d'être."

(Henri de Régnier, Les Cahiers.)

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