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  • L'enfant perdu dans les blés

    Mallarmé me raconte qu'il existe en Beauce des champs de blé immenses, qui ont plusieurs lieues d'un seul tenant et où un enfant qui s'y engage se perd fatalement. On ne peut pas faucher tout cela pour le retrouver.

    (Henri de Régnier, les Cahiers)

  • Le narrateur s'efface

    And now that I have carried this history so far in my own character and introduced these personages to the reader, I shall for the convenience of the narrative detach myself from its further course, and leave those who have prominent and necessary parts in it to speak and act for themselves.

    (Dickens, The Old Curiosity Shop)

  • Versailles et la France

    Hier soir, chez Mallarmé. Il parle de Versailles et du charme automnal du vieux parc : "Les arbres meurent. Dans cinquante ans, Versailles sera ce qu'il était à son origine : une plantation d'arbrisseaux. Nous avons Versailles à son état suprême de beauté, c'est une chose inouïe. Et puis, vraiment, ce palais n'a-t-il pas les paysages qu'il mérite : d'un côté de vastes avenues, qui vont on ne sait où, et, de l'autre, entre les futaies, quelque chose de vague, séparé par aucune grille -- quelque chose qui est la France."

    Puis il parle des statues, des bassins, des vieux bronzes dans les eaux tannées de feuilles mortes et qui dégagent une prodigieuse impression de soir.

    (Henri de Régnier, Les Cahiers)

  • Histoire du cheval nommé Freyfaxi

    Relu la Saga de Hrankfell Godi-de-Freyr.

    L'élément primordial, l'os, du récit se trouve dans l'histoire du cheval Freyfaxi, véritable animal-totem de Hrafnkell, le héros de la saga.

    Hrafnkell possédait un animal de prix qui lui semblait meilleur que tout autre. C'était un cheval gris-brun avec une raie noire sur le dos, qu'il appelait Freyfaxi [c'est-à-dire Crinière de Freyr, le dieu de la fertilité et du soleil]. Il offrit ce cheval à Freyr, son ami. Il avait tant d'affection pour ce cheval qu'il fit le vœu de tuer tout homme qui le monterait sans son contentement.

    Hrafnkell embauche Einarr, fils de Thorbjörn. Comme, par la faute de son père (c'est l'élément déclencheur de la catastrophe), Einarr s'est présenté tardivement, Hranfkell ne peut lui confier qu'un emploi de berger dans les hauteurs où Freyfaxi divague avec un troupeau de douze juments. Il met en garde le garçon et lui rappelle le vœu qu'il a prononcé, de faire périr quiconque monterait la bête ; car : N'est pas coupable celui qui en a prévenu un autre.

    Or un jour Einarr, parti à la recherche de trente brebis égarées, rencontre les chevaux ; il veut s'emparer d'une jument mais elles s'enfuient ; seul Freyfaxi reste tranquille et immobile. 

    Einarr savait que le matin s'avançait et pensa que Hrafnkell ne saurait pas qu'il avait monté le cheval. Aussi il le prit, le brida, le sella, l'enfourcha et remonta le long du ravin de la Grjota jusqu'à la hauteur des glaciers, puis à l'ouest, en longeant le glacier, là où disparaît la Jökulsa, puis redescendit le long de la rivière jusqu'à Reykjasel... Einarr chevaucha Freyfaxi sans arrêt de l'aube jusqu'au soir. Le cheval le porta vite et loin, tant il était vigoureux... 

    Le soir, le cheval crotté et épuisé échappe à Einarr et descend jusqu'à la ferme de Hrafnkell qu'il réveille par ses hennissements, dénonçant pas son aspect le mauvais traitement qu'il a subi. 

    Hrafnkell, selon sa promesse, tue Einarr. Le père d'Einarr sollicite l'aide de son neveu Samr afin qu'il venge le mort. A l'occasion du procès, Samr conclue une alliance avec Thorkell : celui-ci, tel un négatif de Freyfaxi, était facilement reconnaissable, car il avait une mèche claire dans les cheveux, du côté gauche.

    Grâce à ce renfort, Samr s'empare de Hrafnkell et le chasse de la contrée, après l'avoir cruellement blessé. On envoie chercher le fameux cheval.

    Ils conduisent [Freyfaxi] maintenant au bas du champ. Au bord de la rivière, il y a une falaise qui forme un gouffre profond. Ils conduisent le cheval en haut de la falaise. Les fils de Thjostarr mettent un sac sur la tête du cheval, prennent ensuite de forts gourdins et poussent le cheval en avant, après lui avoir attaché une pierre au cou, et le précipitent ainsi. L'endroit s'appela ensuite : falaise de Freyfaxi.

    En apprenant la nouvelle, Hrafnkell reniant Freyr déclare : "Je pense que c'est folie de croire aux dieux." (Cependant, la fortune n'abandonne pas Hrafnkell qui finit, dans une deuxième partie plus faible sans doute que la première, par se venger et retrouver ses terres.)

    (trad. R Boyer)

     

     

  • Ville

    On survole la mer. Par une trouée, dans les nuages, la ville apparaît. Les constructions couvrent toute l'aire plane d'un estuaire, suivant la ligne des rives et du rivage. Elles sont, sans doute, plantées dans le sable des alluvions que le fleuve a déposées, à l'intérieur d'une courbe idéale qui partie de l'embouchure s'arrondit vers le nord et vers le sud. (C'est la seule explication imaginable d'un dessin si régulier). En-deçà, elles s'arrangent au hasard comme un campement de toile dans la plaine. Mais la merveille tient d'abord à leur architecture, faite de la juxtaposition de mille parcelles de verre que n'entrecoupent aucune rue aucune place visibles. Peut-être les façades et les toitures sont-elles entièrement vitrées, ainsi que les avenues et les esplanades. Le degré d'inclinaison de chaque volume explique la gradation des teintes, selon l'incidence de la lumière : du gris fumé au blanc, de l'extinction à l'éclat. Ou bien ce serait l'épaisseur des feuillets superposés dans la profondeur transparente. Cependant les lueurs palpitent ; la ville bat comme un panneau dans un courant d'air et ses reflets ressemblent à des vagues au soleil.

  • "Allez-vous en."

    De nos jours, un peintre fait votre portrait en sept minutes ; un autre vous apprend à peindre en trois jours ; un troisième vous enseigne l'anglais en quarante leçons. On veut vous apprendre huit langues avec des gravures qui représentent les choses et leurs noms au-dessous, en huit langues. Enfin, si on pouvait mettre ensemble les plaisirs, les sentiments ou les idées de la vie entière, et les réunir dans l'espace de vingt-quatre heures, on le ferait ; on vous ferait avaler cette pilule, et on vous dirait : "Allez-vous en."

    (Chamfort, Maximes et pensées)

  • Recueil

    La plupart des faiseurs de recueils de vers ou de bons mots ressemblent à ceux qui mangent des cerises ou des huîtres, choisissant d'abord les meilleures et finissant par tout manger.

    (Chamfort, Maximes et pensées)