Au cœur de The Princess Casamassima, il manque une scène : celle de la réunion chez Hoffendahl ; Hyacinth alors fait le serment d’accepter l’action que l’organisation terroriste lui demandera un jour d’accomplir, sacrifiant ainsi, on le comprend, sa vie à la cause. On a l’impression que l’écrivain, renâclant devant le peu de vraisemblance de la péripétie, renonce à la décrire et se contente de la rapporter indirectement. Comme le dit la princesse elle-même, tout cela apparaît comme une "mystification" de romancier :
"You mean your famous engagement, your vow? Oh, that will never come to anything."
"Why won't it come to anything?"
"It's too absurd, it's too vague. It's like some silly humbug in a novel."
"Vous me rendez la vie!" said Hyacinth, theatrically.
Mais la princesse se trompe quand elle croit que la transaction peut être balayée à raison de son invraisemblance. Le pacte est une autre façon de rendre compte de la contradiction intime d’Hyacinth, de sa double condition de prolétaire et d'aristocrate ; Hyacinth doit perpétrer un attentat contre les classes dominantes et, en retour, il doit mourir. Le pacte n’est pas représenté, il s’avère le "secret" d’Hyacinth (à égalité avec sa naissance illégitime et, comme elle, connu paradoxalement d’à peu près tout le monde). Il est l’emblème où se résume sa condition, qui le frappe d’étrangeté face aux êtres et aux choses.
Au cours du roman, il est entendu qu’Hyacinth évolue (à dire vrai il s’agit moins d’une évolution que d’un développement), qu’il se convertit à l’ordre établi, qu’il cesse de croire que l’injustice sociale légitime la destruction du monde tel qu’il est. Chez la princesse puis à Paris et en Italie, il se convainc de la beauté d’un art de vivre et des produits d’une civilisation. Cependant le pacte reste présent à l’état de hantise : un jour ou l’autre il sera requis de commettre une chose terrible.
La menace qui pèse sur notre héros fait penser à l’argument d’un nouvelle ultérieure de James, un des plus fameuses, The Beast in the jungle. Autrefois, en Italie (c'est toujours en Italie que ce genre de choses se révèle), John Marcher a confié son secret à May Bertram : il vit dans la crainte d’un événement monstrueux qui doit le frapper un jour, il ne sait pas quand ni sous quelle forme. Il lui semble, pour ainsi dire, qu’une bête cachée dans la jungle est prête à bondir sur lui. May Bertram devient la plus proche amie de Marcher. Elle demeure la seule personne à qui il confie son secret. Cependant les années, toute une vie, passent sans que la catastrophe redoutée ne paraisse s’accomplir. May tombe malade et meurt. Dans les dernières pages, Marcher s’effondre sur la tombe de son amie, comprenant trop tard qu’il a manqué l’amour de celle-ci. (La révélation tardive de cet aveuglement : voilà ce que le destin lui réservait !)
Ici également, dans les ultimes pages du roman, la princesse tombe à genoux devant un corps sans vie. Elle arrive trop tard. Hyacinth Robinson s'est tiré une balle dans la poitrine. Pauvre Hyacinth ! Il est deux fois victime, cumulant dans sa courte existence la hantise de Marcher et le secret de May Bertram.