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La Tour

(Il faudrait résister au courant des visiteurs (qui inexplicablement s’entassent dans l’exposition Babylone du Louvre) et rester devant la Tour de Babel de Bruegel, s’en approcher malgré la barrière et, l’œil contre le verre, rester le temps qu’il faut pour en bien comprendre tous les détails – suspendu en quelque sorte entre ces deux extrêmes qui se renforcent l’un l’autre, l’énormité du monument imaginaire et la minutie des détails peints.) Les parois extérieures de la tour sont en pierre (grises à la base elles prennent une teinte orange en s’élevant). Au sommet, inachevé, elles manquent et dévoilent les murs du noyau en construction, de brique rouge. Avec les arcades, l’agencement rappelle les enveloppes concentriques du Colisée (dont la structure au lieu d’un cercle dessinerait une spirale ; comme un ruban enroulé puis étiré à partir du centre pour former un cône). Le soin apporté à la description du chantier et à ses techniques est manifeste : la route qui s’élève en tournant est hérissée sur son bord d’instruments de levage qui se relaient d’étage en étage. Deux longues traînées à gauche, rouge, blanche, indiquent le chemin que suivent les matériaux (d’un côté la brique, de l’autre le mortier ou la craie).  Ce que l’emprise immense de la tour laisse visible du pays semble encore occupé à sa construction : la mer fréquentée,  les vaisseaux nombreux ancrés au pied de la tour (un chenal du port pénètre jusque sous ses arcades) ; la carrière au premier plan ; les fours à brique épars dans la campagne verdoyante.

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