Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Neige de Saint-Pierre

La Neige de Saint-Pierre, de Perutz. Le narrateur se réveille dans un lit d'hôpital. On lui apprend qu'il a été la victime d'un accident de la circulation et qu'il vient de passer plusieurs semaines dans le coma. Mais le patient ne croit pas les médecins, il est convaincu que sa blessure est le résultat d'une toute autre série d'événements dont la durée coïncide justement avec sa prétendue perte de conscience. Cependant, comme il se remémore son aventure, il rend compte  d'un certain nombre d'éléments qui trahissent l'autosuggestion, le "rêve dirigé" ou l'hallucination et incitent le lecteur à mettre en doute ce que lui raconte le narrateur : le temps du récit est discontinu, incertain ; les lieux changent sans transition ; les désirs ou les appréhensions du narrateur se réalisent selon qu'il les exprime ; ses frustrations sont renversées ; des détails "réels" engendrent les circonstances "rêvées"... (Le procédé est utilisé également, de façon peut-être plus essentielle, dans le Maître du Jugement dernierdu même auteur ; "Le Sud" de Borges, à qui on pense souvent, appartient aussi à ce genre de narration à double-entente.)

Le charme du roman tient pour beaucoup au soin apporté à ces détails qui hantent le récit et quelquefois se répondent : dans la "vie réelle", le volume manquant des oeuvres complètes de Shakespeare ("le Conte d'hiver") ; puis dans le rêve, la gravure au mur de la chambre où deux femmes se jettent aux pieds "d'un roi shakespearien" tandis qu'à l'arrière-plan "on aperçoit un roi exotique et sa délégation, avec des chevaux et des chameaux" ; la neige qui envahit les rues du village... Ou  bien, détachée, soudain, une musique :
J'écoutais le son d'un violon qui venait de la pièce voisine.
C'étaient les premières mesures d'une
sonate de Tartini, et cette mélodie mélancolique, comme habitée par des fantômes, m'émeut à chaque fois que je l'entends. Elle est associée pour moi à un vague souvenir d'enfance : je me vois dans l'appartement de mon père, c'est dimanche, tout le monde est sorti et je suis seul. Bientôt, la nuit tombe ; il n'y a aucun bruit, je n'entends que le vent qui gémit dans la cheminée, et j'ai peur, parce que tout autour de moi semble enchanté (...).
(Trad. JC Capèle)

Commentaires

  • Merci : Vous me donnez envie de lire ce roman de Perutz ...
    Dernièrement , j'ai lu avec plaisir son dernier livre : "Le Judas de Léonard " , traduit par Martine Kayser , édité chez Phébus (Libretto 2003) .
    ( Léonard est à la recherche "de l'homme le plus vil de tout Milan afin de donner ses traits à Judas " dans sa Cène : "Je le traque , je le cherche nuit et jour et en tout lieu , dans les rues , dans les auberges , sur les marchés (....) et tant que je ne l'aurai pas , je ne pourrai pas progresser dans ma tâche " ....)

  • Avant celui-ci, avez-vous lu son chef d'oeuvre "Le Cavalier suédois" (un livre parfait) ou bien "le Maître du Jugement dernier" ?

  • J'ai retrouvé parmi mes livres "Le cavalier suédois" (en 10/18 -no 1964 , édité en 1988 ) , et aussi "La neige de Saint-Pierre "(livre de poche no 3107 -1989 ) .
    J'ai certainement lu ces deux livres !!
    D'où l'achat de "Le Judas de Léonard" , en occasion, sans l'ombre d'une hésitation , avec lecture dans la foulée ....
    Du coup , j'ai commencé à relire "Le cavalier suédois" , et la même magie fonctionne !
    Restera après à découvrir "Le Maître du Jugement dernier" ...

  • Je viens de terminer "La neige de Saint-Pierre" .
    J' ai été captivé par cette histoire , notamment avec l'intervention d' un "Federico" descendant de Frédéric II , dernier Hohenstaufen ....)
    (Il y a quelque temps , en effet , j'ai lu l'excellent "L'Empereur Frédéric II " de Ernst Kantorowicz , publié en 2000 chez Gallimard , couplé avec "Les deux corps du Roi " )

  • Le roman de Perutz est largement évoqué dans la postface d'Alain Boureau à l'édition que vous citez de Kantorowicz (voilà qui donne toute leur ampleur à des éléments en grande partie implicites dans le roman)

  • Passionnante , en effet , cette postface ... avec tous les éclairages apportés .

    "La neige de saint Pierre avait bien fait effet , non pas dans le domaine collectif , mais dans le cercle étroit de ses utilisateurs ; certes Malchin-George était bien mort en Suisse en 1933 , peut-être du désespoir causé par les formes prises par ce "Nouveau Règne " (Neues Reich ) qu'il appelait dans son livre ainsi intitulé en 1928 , mais Federico-Kantorowicz avait pu inscrire son corps naturel d'Allemand des marches dans le corps politique d'une idée inlassablement poursuivie , logée dans le projet qu'avait autorisé son livre ." (p.1246)

  • Perutz ---AH ! on y pensera. (Déjà on y pensa.)

Les commentaires sont fermés.