Je pris, en descendant de la citadelle, un morceau de marbre du Parthénon ; j'avais aussi recueilli un fragment de la pierre du tombeau d'Agamemnon ; et depuis j'ai toujours dérobé quelque chose aux monuments sur lesquels j'ai passé. Ce ne sont pas d'aussi beaux souvenirs de mes voyages que ceux qu'ont emportés M. de Choiseul et lord Elgin ; mais ils me suffisent.(Chateaubriand - Itinéraire de Paris à Jérusalem.)
(Fragment de la frise du Parthénon, au Louvre).
Il est toujours un peu surprenant de constater, à quelques années de distance, d'une visite à l'autre, les changements intervenus dans l'acropole d'Athènes. Cette fois-ci, le temple d'Athéna Niké a complètement disparu (entièrement démonté, il attend sa reconstruction selon les règles de l'archéologie contemporaine). Un moulage de la frise des Panathénées a été monté en arrière de la façade ouest du Parthénon. Les colonnes et l'entablement du flanc nord sont en cours d'assemblage (l'agencement de chaque bloc a été nouvellement identifié, après les restaurations anciennes, et attend de retrouver sa place exacte dans le puzzle monumental). L'aspect actuel des ruines n'est pas le dernier état d'une lente dégradation peu à peu arrêtée, il n'a qu'un siècle ou deux et continue d'évoluer. Autour des temples, des échafaudages, des marbres taillés, des grues. Un chantier est en cours, très prudent et presque immobile (ne dit-on pas que sans les déblaiements trop hâtifs des premiers archéologues, on aurait été en mesure de rebâtir entièrement le Parthénon à partir des débris qui l'entouraient ?).
Vue d'en bas, la colline paraît une carrière à ciel ouvert, exhaussée au milieu d'un morceau de campagne verdoyant, encerclée par la ville. Le sommet de l'élévation, entièrement minéral, semble avoir été arasé. Il a la couleur de la pierre fendue, découpée, rainurée (il a effectivement été longtemps une sorte de carrière d'où ont été arrachés des fragments et des ornements, emportés au loin). Le miracle, c'est que sous le piétinement, le décapage, les coups portés au hasard, dans l'embrouillement des lignes ultérieures, demeurent la délicatesse et la rigueur des formes antiques (comme apparaissent, dans la sculpture brisée conservée au Louvre, les plis des robes des Ergastines et le détail des veines sur la main du prêtre.)
Commentaires
... et... tu sais ce qu'est devenu le fragment de Chateaubriand ? celui qui est au Louvre, c'est bien celui de Choiseul, non ?
Le relief des Ergastines, qui est au Louvre, fut effectivement acheté en 1784, pour le compte de Choiseul-Gouffier, par le Consul de France, Fauvel, toujours en poste lors du séjour de Chateaubriand (1806). Ce Fauvel, archéologue amateur mais averti, conservait dans sa villa d'Athènes quelques moulages des bas-reliefs emportés par Lord Elgin.
(suite) J'ignore absolument où se trouve le fragment emporté par Chateaubriand, qui ne devait quand même pas être très volumineux...
(suite bis) : j'ai écrit que le bas relief du Louvre a été acquis "pour le compte" de Choiseul-Gouffier, selon la formule de Jean-Claude Berchet en préface à l'édition Folio de l'Itinéraire. Mais j'aurais tout aussi bien pu écrire "pour le comte Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier"...
pfff... j'arrive après la bataille
Tout de même: il reste à savoir quel était le prénom de Fauvel (ses initiales sont LFS)
Je cherche, je cherche...
Louis-François-Sébastien