Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Moeurs aristocratiques

Lu dans les Souvenirs de jeunesse de Mathieu Molé : 

Pendant un mois que nous passâmes dans ce noble asile, nous menâmes cette vie de château si douce, quoique si monotone, dont les Anglais savent si bien goûter et faire partager le charme. On se réunissait à onze  heures pour le déjeuner, qui consistait seulement en thé, café ou chocolat, oeufs frais et petits pains de toutes les espèces. On passait ensuite dans la bibliothèque. Les femmes s'asseyaient autour d'une grande table ronde où se trouvaient leur ouvrage, des plumes, de l'encre, du papier à écrire et des livres ; on lisait, on écrivait, on causait, chacun selon ses envies. Je prenais habituellement ce moment pour jouir seul, en liberté, du "pleasure ground". Je ne me lassais pas d'admirer le goût qui avait présidé aux plantations, la solidité des allées, la grâce de leurs contours, l'abondance des fleurs et le luxe des gazons qui étaient nettoyés et soignés mieux que les appartements ; à deux heures, on apportait dans la salle  à manger de la viande froide et du vin de Madère, dont chacun de son côté prenait ce qu'il voulait. En même temps, des calèches venaient s'offrir pour la promenade. A six heures on dînait. Lord Lansdowne ouvrait lui-même la porte aux dames, qui remontaient dans la bibliothèque pendant que nous restions entre hommes quelques instants, plutôt à causer qu'à boire. Après dîner, tout se passait dans la bibliothèque comme le matin, excepté que le café - et une heure après le thé - qu'on y apportait avec des tartines de confiture formaient une succession non interrompue de petits repas qui liaient le dîner au souper. Ce dernier avait lieu à minuit et j'y voyais toujours avec un nouvel étonnement des gentlemen du voisinage avaler des tranches de jambon ou de boeuf de Hambourg, des pâtisseries, des laitages.

(L'auteur voyage en Angleterre à l'époque de la Paix d'Amiens (1802). Quelques années plus tôt, pendant la Révolution, il participait au Banquet républicain).

Les commentaires sont fermés.