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L'appartement

Nous sommes venus ici aujourd’hui non pour participer aux jeux qui s’y arrangent mais, poussés par une curiosité déjà ancienne, pour voir. C’est à Paris, un appartement. Il est à peu près vide ; les murs sont blancs, le plancher est nu. Les portes manquent dans les embrasures. Les pièces en façade donnent sur le boulevard mais les fenêtres aveuglées empêchent de voir dehors.  Le jour qui filtre par les volets ou de faibles ampoules électriques font la pénombre. Dans la première pièce, chaque élément du mobilier, identique, est aligné le long du mur, perpendiculairement au précédent, alternativement en long ou en travers, formant une espèce de râteau à trois ou quatre dents. Les meubles, couverts de nappes de papier blanc, servent d’étal où sont empilés des livres ; en-dessous, d’autres volumes, semblables, sont rangés sur des étagères. Les visiteurs qui sont là ne disent mot : en manteaux, debout contre les tables, tête baissée, ils feuillettent. Je n’ai pas retenu les titres ; ce sont de petit formats illustrés en noir et blanc, des livres anciens pour la jeunesse.

La deuxième pièce, à droite, est vide à l’exception d’un grand tableau au mur, une œuvre d’Henri Martin. Elle représente un coin de campagne avec des arbres et des prairies. Mais la touche divisée brouille les contours ; l’impression qui domine est celle d’une trame incertaine verte et jaune. Je reste peu de temps à la regarder ; je me retourne vers la troisième pièce. Par l’ouverture de la porte, on reconnaît le cœur des opérations ; on en devine les participants : "Ils s’agitent çà et là, se lèvent et se baissent. / Ils sèment et consacrent." Passons, Passons !

De l’autre côté s’ouvre un couloir. Il mène aux anciennes dépendances : il y a quelques dizaines d’années, le parc a été loti. Des immeubles ont été construits selon la médiocre architecture de ces années-là. Chaque tour forme un cube presque parfait, d’une dizaine d’étages, isolé dans une pelouse. Des terrasses courent le long des façades ; elles servent de débarras et leur aspect négligé renforce le sentiment général d’abandon.

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