En Belgique, juste avant la dernière guerre, des garçons enfermés dans un pensionnat tenu par des religieuses. Dans leurs jeux ou plutôt dans leurs conspirations, ils arrangent comme ils peuvent les secrets et les discours des adultes : patriotisme belge et flamand, politique internationale, théologie catholique et mystères de l'enfantement. Qui pourrait venir à bout de la confusion des langages qu'on leur tient ? dans quel but ?
Les Sœurs emmènent les enfants au cinéma pour une séance spéciale. Mais la projection est interrompue...
Dans le hall du cinéma, Vlieghe dit que c'était dommage, ça commençait à devenir passionnant avec ce chasseur aveugle. N'avait-il pas remarqué que, comme chaque année, des fragments de différents films avaient été collés ensemble arbitrairement ? Louis n'avait jamais pu comprendre pourquoi. Probablement que les Soeurs et les élèves étaient déjà bien contents de voir quelque chose qui bougeait dans une lumière tachetée en noir et blanc (et cette fois-ci, ô surprise, en couleurs). Peut-être qu'un tout cohérent, comme à la séance normale du dimanche soir au ciné "Diana", avec des titres, de la musique, et un début, des péripéties et un dénouement -- peut-être aurait-ce pu avoir des conséquences périlleuses pour les élèves, qui devaient grandir dans la confusion et rester prisonniers de mystère, de fragments, d'énigmatiques et péniblement inintelligibles petits éclats de miroir.
(Hugo Claus - Le Chagrin des Belges, trad. A van Crugten)