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La Walkyrie

Au Châtelet.

Impression d'ensemble : la musique est moins belle que dans l'Or du Rhin, plus lyrique, plus dramatique mais moins extraordinairement évocatrice.

Impression de détail : (récapitulons cette histoire bien connue)

Le premier acte est comme un opéra dans l'opéra, le seul des trois actes à avoir une action cohérente et continue. C'est une espèce de Tristan et Isolde miniature (moins le dénouement), un triangle amoureux, héroïque au lieu de masochiste, mais également placé sous le signe de l'extase nocturne et de la transgression. Ce soir, ça débute très lentement, trop (?) lentement : la rencontre de Siegmund et de Sieglinde est presque paralysée comme s'il s'agissait non pas des premiers feux de l'amour mais de beaucoup plus tard après sa consommation. Heureusement, le mari, Hunding, arrive et nous tire de l'assoupissement. Il est terrifiant, éclairé en vert, vert comme un revenant malfaisant dans une saga islandaise. Inopportunément, face à lui, le héros Siegmund fait pâle figure. Mais l'émotion et l'action ne commencent véritablement que plus tard avec le récit de Sieglinde (Hunding dort). Quelle amertume de femme mal mariée, quel mépris de femme déchue pour sa belle-famille ! Son chant (seul, face au public) a une telle force que Siegmund ne semble plus être alors qu'un fantôme né de sa haine, un reflet et un écho d'elle-même dans la solitude, mêlés au souvenir de son père, un rêve où s'incarnent sa frustration et son désir de vengeance. Les deux amants, le frère et la sœur, fuient dans la nuit transfigurée.

Dans les actes suivants les scènes se succèdent sans avoir la même cohérence. Leur intérêt (j'ai l'impression) dépend beaucoup de la qualité des interprètes, de leur capacité à faire passer les émotions et les raisons des personnages (ce n'est pas gagné). Après un Heiaha! Hojotoho! gamin de la Walkyrie, Brünnhilde : scène de ménage entre son père et sa belle-mère. Fricka, moitié mégère, moitié philosophe de la liberté, vient demander à Wotan de punir son fils Siegmund coupable d'avoir bafoué les lois du mariage. Wotan cède, et une fois seul, sombre avec l'orchestre dans la dépression (on croit à l'accablement de Wotan, moins à sa colère, jamais à son autorité). Il envoie Brünnhilde annoncer sa mort à Siegmund. Fameuse scène avec roulements de timbale, déjà la Marche Funèbre du Crépuscule des Dieux. De gamine Brünnhilde se métamorphose en déesse de la mort avant de se laisser attendrir (après un jeu de question-réponse sur ce que l'on trouve au Walhalla) par l'amour suicidaire des deux Sieg. Combat d'ombres chinoises et victoire de Hunding sur Siegmund, doublé par la confrontation entre Wotan-Fricka et Brünnhilde. Sur le devant de la scène, Sieglinde voit tout cela comme un cauchemar (je finirais par croire que tout l'opéra n'est que le rêve parthénogénétique de Sieglinde).

Le troisième acte commence par la Chevauché des Walkyries (un mauvais moment à passer). Brünnhilde a recueilli Sieglinde et cherche refuge auprès de ses sœurs. Pour calmer les pulsions suicidaires de Sieglinde, elle commence à prophétiser et lui annonce la naissance d'un fils : retentit alors le thème de Siegfried et cela sonne comme une réclame pas très engageante pour l'opéra suivant. Wotan arrive. Les Walkyries s'enfuient. Le thème de la Chevauchée revient mais sous une forme plus évocatrice : une débandade, une déroute, une dispersion aux quatre coins du ciel. Wotan condamne sa fille rebelle à se faire déflorer par le premier homme qui passera. Un beau passage tire-larmes des vents à l'orchestre commence la déploration-plaidoyer de Brünnhilde. Elle impose sa volonté (ce Wotan est un pantin) : un feu magique entourera le rocher où elle repose et en réservera l'accès au « héros sans peur ». Alors les fameux adieux de Wotan (moins impressionnants sans Wotan). Mais retentit l'appel du dieu du feu - Loge : et la musique devient merveilleuse. Sur les flots du lyrisme impuissant de Wotan viennent briller les flammes magiques qui ne s'éteindront plus, roulant, dansant, brûlant sans consumer. Le scintillement décroît et croît sous le soufflet de l'orchestre mais demeure inextinguible, toujours changeant, immobile.

(C'est avec cette image dans l'oreille qu'on attendra la suite en janvier.)

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