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  • Ruines

    A Rome, pour quelques jours.

    Rubens - Paysage avec le Palatin.

    (la colline est le portique d'un palais ruiné, le forum traversé par l'ornière, la course d'on ne sait quelle roue énorme, de brique et de marbre, qui s'abattant s'est brisée dans l'étroit carrefour, fichant des éclats d'os dans la terre végétale)

  • Fidelio

    Au Châtelet.

    Zvezdoliki y était aussi (et bien davantage que moi...)

    ... citons néanmoins de cette soirée :
    - dans le premier acte, la phrase pleine de pitié du geôlier à propos du prisonnier que Pizarro veut faire mourir (était-ce : der kaum mehr lebt / und wie ?)
    - l'espèce de chant de travail (il s'agit de creuser une tombe) où pendant que Rocco se donne du cœur à l'ouvrage, grandit en Fidelio / Leonore un autre courage, celui de sauver le captif inconnu
    - Leonore qui se dévoile et se dresse face à Pizarro sans craindre la démesure de l'entreprise, forçant sa voix (et sauvée seulement par la grâce des trompettes qui sonnent en coulisse faisant entendre le deus ex machina)
    - le ravissement de Leonore O Gott ! Welch ein Augenblick ! dans un répit du chant de gloire général
    (Je me souviens d'un autre Fidelio au Châtelet - mise en scène celui-là - où une partie du chœur était alors dispersée dans la salle. Le public était enrôlé par procuration dans la célébration universelle : car ce n'est plus un spectacle, c'est presque une cérémonie, les officiants et l'assistance ensemble - un hymne plus qu'un finale d'opéra.)

  • Etretat (à l'oreille)

    Le chemin passe au large mais des embranchements s'avancent de loin en loin jusqu'au bord de la falaise. On les suit avant de revenir sur nos pas telles des fourmis aventurées sur un brin d'herbe. Tout à la pointe on se tourne à droite et à gauche pour considérer le panorama d'amont et d'aval, l'aiguille, les portes. Très loin en contrebas, on distingue moins les promeneurs sur la plage que, sous eux, le bruit des galets foulés. (Et, plus tard, on s'allonge au bord dans la prairie, l'horizon vertigineux disparaît dans les touffes et les fleurs ; il ne reste de la vue au-delà que le bourdonnement des appareils photo qui se confond, à l'oreille, avec le bref passage des mouches.)

  • Rouvre

    A Rouen, expo des musées de Florence.

    Raphaël, portrait de Francesco della Rovere.

    (Masculin et féminin, homme et enfant, la fourrure, le rouge avec le vert, le bleu pastel ; le teint froid, les yeux pâles gros comme le paysage plein d'eau, le fruit vert.)

  • Fontaines

    Au cinéma, un Américain à Paris.

    Dans le fabuleux ballet final, Paris est colorié et simplifié en quelques scènes et monuments d'un gigantesque décor de théâtre. J'aime surtout la métamorphose des fontaines de la Concorde ; l'eau jetée par-dessus l'épaule des néréides changée en une matière solide, transparente et grenue sous laquelle passent les danseurs.

  • Rouge opéra

    Le grand escalier est encore désert (je suis parti pendant les saluts). Sauf une dame entre deux hommes plus jeunes. Ils sortent de l'orchestre. Elle est maigre, bien habillée (de même que les hommes en costume) et droite. Ils la tiennent par le bras, l'emportant. J'entends qu'ils disent : allons jusqu'à la voiture. On pourrait les suivre à la trace, chaque pas de la femme laisse une tache sombre sur le marbre. Sa cheville – ce que la robe laisse voir – est couverte de sang.

  • Don Giovanni

    Au Théâtre des Champs-Elysées.

    Dans l'avant-dernière scène, comme on sait, la figure de Don Giovanni prend soudain une grandeur inédite ; il est un héros qui ne connaît pas la peur, face à la mort refuse de se repentir, crie Non ! au Commandeur et finit dans les flammes. Je ne sais trop comment cela se concilie avec son personnage jusque-là de séducteur médiocre, qui ment sans vergogne, se déguise, souvent en fuite, toujours en déroute. Plutôt que les grandes orgues de la fin, son emblème c'est la musique du finale de l'acte un, l'air de danse en forme de collage, de citation ou d'élément de décor (les musiciens montent sur scène) : tous y dansent faussement, le mensonge est étriqué et respecte à peine les formes, il couvre mal les apartés des uns et des autres (chacun est à sa conspiration), et disparaît balayé par le cri de Zerline (le but de la mascarade).