Couvrant ici les ornières et là-bas les îles, une végétation folle passe la rive du fleuve. Nous arrivons, sur la Loire, en vue de l’abbaye de G***. Le printemps vient buter contre les murs de l’église. Hautes parois aveugles, en brique. Peu savent que l’abside trilobée est bien plus ancienne que l’époque romane, qu’elle remonte à l’antiquité tardive. L’abbatiale s’est installée dans les murs d’une basilique ; la tour au-delà est tout ce qu’il reste du palais impérial. Ces monuments, sans commune mesure avec l’importance du village, rendent compte de son passé de métropole romaine. Voyez aussi les statues du porche : leur style dit « tubulaire » est typique du Bas-Empire ; les membres du personnage trônant ne se différencient guère des montants du siège où il est assis ; une table taillée en bas-relief est posée sur ses cuisses et cache entièrement le haut du corps : ici la Croix du nouveau culte et des instruments de la Passion, la lance et les clous. Les archéologues ont remontés au sommet du clocher des fragments de son couronnement d’origine : ils ont remplacé la structure manquante par une coiffe de fil de fer qui laisse voir la toiture d’ardoise ; ils ont fixé au treillis les ornements qu’ils ont mis au jour. Les sculptures ne semblent pas plus épaisses que des plaques d’ivoire et faites de cette matière même ; elles figurent des guirlandes de fruits, entre des victoires dont la silhouette généreuse fait penser aux Vénus préhistoriques.