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Eléments d'un conte

Martin Salander de Gottfried Keller.

(Comment douter qu'il n'ait existé à Zürich dans les années soixante-dix du dix-neuvième siècle une entreprise commerciale, du type de celle de Martin Salander, fondée sur l'importation de denrées exotiques ? et  qu'à la même époque le développement économique et financier de la Suisse ne se soit accompagné de scandales liés à d'inévitables malversations ;  et, encore, que ceux-ci n'aient trouvé un écho particulier dans les débats sur l'organisation politique du pays, alors en pleine évolution, et n'aient servi d'arguments dans les rivalités entre courants politiques nouveaux et anciens ?

Tout cela trouve sa place dans le roman de Keller mais sa couleur et son charme particuliers viennent d'ailleurs. Ce sont les éléments d'un conte : un père revient d'un long voyage après des années d'absence ; il rencontre un jeune garçon, au bord d'une fontaine, en proie à l'hostilité d'autres enfants mais il ne reconnaît pas son propre fils ; le voyageur est à quelques pas de sa maison et, pourtant, se laisse détourner d'y rentrer avant le soir (il apprend dans l'intervalle que toute la fortune qu'il a acquise dans son exil a été réduite à néant) ; au même moment, la mère de famille n'a plus le sou et ses dernières provisions sont dévorées par ces mêmes jumeaux qui tourmentaient son fils ; elle trouve toutefois dans un tiroir une minuscule pièce d'or aux bords relevés, étrangement semblable à l'écuelle où les nains festoient au moment de quitter leur patrie, selon l'histoire qu'elle vient d'imaginer pour endormir ses enfants. (C’est une figure du conte : un objet impossible, apparu dans le  rêve, est encore là au petit matin et témoigne de la réalité du songe nocturne).  

Bien des années plus tard, Martin Salander a reconstitué sa richesse ; un soir il marche longuement dans les collines et parvient dans une clairière où une fête bat son plein. Il a la surprise d'y voir ses filles danser avec les jumeaux : comment les distinguent-elles ? l'un a le bord de l'oreille gauche "un peu ourlé comme un morceau de beignet", l'autre "a le lobe droit comme une petite nouille". Un autre soir, le père surprend ses deux filles dans leur jardin auprès de la fontaine : les jumeaux sont à leurs pieds ; il s'interpose mais, dans la confusion qui suit, et avec la pénombre, les deux soeurs ne savent plus lequel est leur fiancé. Cependant les jumeaux parviennent à leur fin, épousent les filles Salander et les emportent, l'une dans une maison bâtie sur une éminence, l'autre dans une combe au milieu des bois. De nouvelles épreuves attendent le patriarche : son faux ami Wohlwend suscite une femme jeune et belle pour le séduire. Salander se promène toute une après-midi avec elle dans la neige, trop troublé pour savoir lui parler. Plus tard, quand l'enchantement sera dissipé, il saura qu'il ne s'agissait que d'un simulacre, Hélène statue suscitée par un mage, et que la belle inconnue a la tête fêlée et les yeux vides. La famille Salander est à nouveau réunie ; l'envoûtement des deux filles a été brisé ; le chapeau de madame Weidelich, mère des jumeaux Isidor et Julian, attribut de leur puissance, est jeté dans le fleuve où peu à peu il prend l'eau et se noie.)

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