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  • Absence

    Au musée de Rouen, Poliphile devant la reine Eleuthérilide de Lesueur.

    Poliphile agenouillé nous tourne le dos et la Reine qui le reçoit disparaît quelque peu dans l’ombre du dais qui surmonte le trône, si bien que ce n’est pas le centre de la composition, et son sujet, qui attire l’œil mais les marges : la cour féminine d'Eleuthérilide saisie, semble-t-il, par la dispute. Réparties en petits groupes, le long de la puissante architecture comme les philosophes de l’Ecole d’Athènes, les femmes tournent l’une vers l’autre leur profil engagé dans une discussion qu’animent les doigts oratoires, les gestes éloquents et les plis mouvementés des belles robes. L’une d’elle, cependant, à droite, ne participe pas à cette agitation de paroles ; elle est assise, les bras croisés dans le giron. Son regard est étrangement absent.

  • Bruits à l'aube

    La quinzième nuit du huitième mois, le clair de lune entrait largement par les fentes du toit de planches ; ce qui étonnait Genji qui n'avait jamais connu pareille habitation. L'aube était proche, car il pouvait entendre des hommes du commun s'éveillant alentour s'interpeller d'une maison à l'autre.
    - Dame, ce qu'il fait froid !
    - Rien pour les affaires, cette année ! je passerai mon tour à la campagne. Chienne de vie !
    - Eh toi, au nord, mon voisin, tu m'écoutes ?
    Elle était terriblement gênée par cette rumeur autour d'eux de gens qui se levaient et s'arrangeaient pour leurs misérables travaux. L'endroit aurait donné envie à toute personne un peu distinguée de disparaître sous terre mais elle restait sereine et paraissait ne rien entendre de ces bruits aussi pénibles, inconvenants ou blessants soient-ils ; ses manières gardaient une grâce si naïve qu'on aurait pu croire que le sinistre scandale n'était rien pour elle. Un mortier grondait, semblait-il, presqu'à leur chevet : Genji comprenait enfin ce que signifiait un tintamarre affreux. Le désordre des sons n'était pour lui qu'un fatras incompréhensible. (...) Des insectes de toutes sortes bruissaient dans le jardin et, pour Genji, qui rarement entendait même un grillon chanter dans le mur, ce concert de crissements était une étrange nouveauté (...).

    (Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji. Trad. d'après R. Tyler)

    (Genji voulant échapper au tapage, et à sa vulgarité, emmène sa conquête dans une propriété plus conforme à son rang. Mais alors, la mort, sous la forme d'un esprit, comme une nouvelle manifestation du monde inférieur, vient saisir sa bien-aimée.)