Au cours de cet hiver, les Platéens, qui étaient toujours assiégés par les Péloponnésiens et les Béotiens, se trouvèrent menacés de famine. (...) Ils formèrent, en accord avec les Athéniens assiégés avec eux dans la place, le projet de sortir tous ensemble pour tenter de forcer le passage et de franchir l'enceinte tenue par l'ennemi. (...)
(Pour franchir la contrevallation, les fugitifs fabriquent des échelles ; ils en déterminent la taille en comptant, à distance, le nombre de briques dans la hauteur du mur ennemi, sur une portion restée sans enduit.)
Les Platéens achevèrent leurs préparatifs et attendirent une nuit de mauvais temps, avec de la pluie et du vent, et sans lune. Le moment venu, ils sortirent de la place (...). Ils franchirent d'abord le fossé qui entouraient la ville, puis atteignirent le mur ennemi sans avoir été remarqué par les sentinelles, qui ne pouvaient les voir à cause de l'obscurité, ni les entendre à cause des bourrasques qui couvraient le bruit de leur approche. D'autre part, ils marchaient à bonne distance les uns des autres, pour éviter que leurs armes, en se heurtant, ne trahissent leur présence. Ils n'avaient qu'un armement léger et n'étaient chaussés qu'au pied gauche, pour ne pas glisser dans la boue. (...)
Des feux furent allumés en direction de Thèbes pour signaler une attaque. Mais les Platéens restés dans la ville allumèrent eux aussi un grand nombre de feux sur leurs remparts. Ils les avaient préparés exprès, afin de rendre les signaux des assiégeants inintelligibles (...)
(Les Platéens parviennent à franchir l'obstacle, puis le fossé qui l'entoure :)
Cela n'alla pas sans peine ni sans lutte. Une couche de glace s'était formée à la surface, mais elle n'était pas assez solide pour qu'on pût marcher dessus. C'était, comme il arrive souvent lorsque le vent souffle de l'est plutôt que du nord, une glace en liquéfaction. D'autre part, la neige tombée au cours de la nuit, avec ce vent qui soufflait, avait considérablement élevé de niveau de l'eau dans le fossé et ce fut tout juste si les Platéens purent le franchir sans perdre pied. (...)
Partant du fossé et formés en groupe compact, les fugitifs prirent la route de Thèbes, en laissant sur leur droite le sanctuaire du héros Androcratès. Ils pensaient que la route menant en pays ennemi était bien la dernière sur laquelle on pût les soupçonner de s'être engagés.
(Trad. D Roussel)
(A nouveau l'exactitude du détail semble croître à mesure de la nuit, de la tempête et du désordre des combats ; et la clarté du récit, comme le plan ingénieux des Platéens, profiter de la confusion).