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L'Obscurité

Ne nous réveillons-nous maintes fois de notre sommeil ? nous pensons nous réveiller, nous entendons tout, voyons tout et sommes cependant endormis au plus profond de nous-mêmes, emplis des poisons secrets et salutaires du sommeil, restons étendus un petit moment et notre pensée en apparence si éveillée fixe quelque profondeur de notre existence d'un terrible regard d'acier, d'un regard plein de tourments ? Rien ne tient tête à ce regard. Comment puis-je supporter cela (...) Comment se fait-il que je vive en supportant cela et ne mette pas fin à mes jours ? Car il n'y a pas de réponse supportable. Le jour va venir avec les cloches du matin et les voix des oiseaux, la lumière va devenir vivante mais cela ne changera pas. Cependant qu'on se rendorme une seule fois et cela s'en va (....). C'est le regard perçant d'un dormeur et personne, ni aujourd'hui ni ultérieurement ne lui devra une réponse. (Hofmannsthal, Le Poète et l'époque présente, trad. A Kohn)

L'Obscurité, de Jaccottet. Le narrateur (de ce court récit) revient après des années dans la ville qui a été le lieu de son apprentissage. Il s'enquiert de son maître et s'étonne de ne trouver pas même le souvenir de la gloire qui était la sienne. Le maître a déserté aussi la retraite heureuse qu'il s'était choisie, à la montagne. Après bien des recherches, le narrateur finit par le retrouver, seul, installé dans un  taudis de la ville, malade semble-t-il. Pendant toute une nuit (qui rappelle le "terrible regard d'acier" décrit par Hofmannsthal), il l'entend nier tout ce qui avait été la substance de son enseignement ; au lieu de la beauté constater la douleur et le vide ; se livrer à la plainte et au ressentiment.

Le décor de cette chambre est peut-être le plus marquant : le désespéré occupe un ancien atelier d'artiste au rez-de-chaussée d'une cour intérieure. Quant le soleil bas de l'hiver a passé furtivement là-haut comme "une torche rouge", les lampes s'allument et laissent voir, à travers le feuilletage du verre, de la poussière et du crépuscule, les vies absurdes et méchantes des voisins.

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