Les derniers mots d’Honorine sont presque ceux de Sarrasine.
A propos d’Honorine (ou de Maurice) : – Il se trouve donc encore de grandes âmes dans ce siècle ! dit Camille Maupin qui demeura pensive, appuyée au quai, pendant quelques instants.
« Mademoiselle des Touches, connue sous le nom de Camille Maupin dans le monde littéraire » fait partie des convives qui ont reçu la confidence de Maurice de L’Hostal. A la fin du récit du consul, elle s’exclame à propos d’Honorine : Tout ceci n'est pas la vie (…). Cette femme est une des plus rares exceptions et peut-être la plus monstrueuse de l'intelligence, une perle !
C’est une autre monstruosité, non la vertu mais son absence, qui fait taire la marquise à la fin de Sarrasine.
- Paris, dit-elle, est une terre bien hospitalière ; il accueille tout, et les fortunes honteuses, et les fortunes ensanglantées. Le crime et l'infamie y ont droit d'asile, y rencontrent des sympathies ; la vertu seule y est sans autels. Oui, les âmes pures ont une patrie dans le ciel ! Personne ne m'aura connue ! J'en suis fière.
Et la marquise resta pensive.
A la première histoire les prodiges de la vertu (d’une femme adultère), à la seconde les prospérités de l’infamie (d’un être bien digne de pitié).
Honorine commence par une énigme : la mélancolie du consul de France à Gênes. La clé du mystère est à Paris dans un épisode de la jeunesse du consul.
Dans Sarrasine, les lieux sont inversés. L’énigme est parisienne, la solution est en Italie. Quelle est l’origine de la fortune de ces nouveaux-venus dans le monde, les Lanty ? qui est ce vieillard étrange qui hante leur salon ? La nouvelle est coupée en deux. Après la scène chez les Lanty (la devinette), vient le récit dans le salon de la marquise de Rochefide (l'éclaircissement). Le narrateur raconte à la marquise l’histoire du sculpteur Sarrasine. Au dix-huitième siècle, à Rome, Sarrasine tombe fou amoureux d’une chanteuse découverte à l’opéra. Il obtient un rendez-vous et passe une nuit et une journée avec elle mais, à sa déconvenue, ne peut se libérer de la compagnie d’autres artistes de la troupe. Il ne reçoit de la belle davantage qu’un baiser ; elle se refuse, le menace d’un poignard. Sarrasine décide de l’enlever le lendemain. Il découvre alors son erreur. Dans l’atelier du sculpteur, la vérité se fait jour : la Zambinella n’est pas une femme : c’est un castrat. Sarrasine veut se venger de la duperie en tuant le chanteur ; mais il tombe sous les coups des sbires envoyés par le protecteur du divo. Le vieillard des Lanty est ce Zambinella prodigieusement enrichi par son art et par sa beauté.
- (...) ce petit vieux est une tête génoise !
- Monsieur, si ce n'est pas une indiscrétion, pourriez-vous avoir la bonté de m'expliquer ce que vous entendez par une tête génoise ?
- Monsieur, c'est un homme sur la vie duquel reposent d'énormes capitaux, et de sa bonne santé dépendent sans doute les revenus de cette famille.
Honorine meurt d’amour, fidèle à sa passion pour un homme qui l’a abandonnée ; Sarrasine maudit l’amour et veut tuer celui qui l’a trompé. Tous deux vivent un bonheur factice qui est le fruit d’une illusion (la fausse liberté d’Honorine, le travesti dans Sarrasine) ; et trouvent la mort quand elle cesse (Honorine est tuée par l’amour conjugal, Sarrasine par une autre forme d’amour « établi »).
Les deux nouvelles s’amusent de croisements entre la fiction et la réalité. Onorina ressemble à une statue (bien réelle) ; Zambinella sert de modèle à une statue (fictive) dont s’inspire Vien pour un Adonis puis Girodet pour son Endymion.
Enfin l’une et l’autre nouvelle s’accordent pour rappeler qu’on ne raconte pas impunément des histoires (au sens propre) : le narrateur de Sarrasine perd la marquise qu’il voulait séduire avec son récit ; la consulesse a surpris le secret de son mari en écoutant aux portes la confidence qu’il faisait à ses hôtes.