Pas mécontent d'avoir découvert, sans trop d'ennui, un fleuron du Grand Opéra tel que le dix-neuvième siècle français l'a aimé. S'il est possible, dans ces conditions, d'en dire quelques mots, les voici. Le livret n'est pas fameux, additionne les scènes à effets et abuse de l'adjectif tutélaire. Les personnages sont souvent sacrifiés au goût de la pompe et des rebondissements ; et la musique avec, qui, dans les grandes scènes dramatiques, se réduit à des redoublements de stupeur ou d'effroi. Le premier acte ou la fin du troisième étaient, pour ces raisons, les passages les plus faibles. Les ensembles et les choeurs correspondants sont laids (je ne pense pas que ce soit la faute des interprètes). Les situations annoncent quelque fois Wagner (Par exemple : une grande scène de malédiction ; une maison plongée dans l'obscurité ; Rachel dénonçant Léopold telle Brünnhilde à la cour des Gibichung - mais la musique ne suit pas). Il y a des airs pareils à des succès de la chanson (Rachel quand du seigneur). Le chant le plus remarquable était celui de la Princesse Eudoxie : notamment sa joie pleine de vocalises au deuxième acte - le meilleur - quand elle vient acheter un collier chez Eleazar (Lorsqu'elle ouvre le coffret, on s'attend presque à la voir entonner l'Air des bijoux). Au début de l'acte suivant, la rencontre entre Rachel et Eudoxie avait quelque chose d'une scène de Balzac (la femme du peuple et la princesse ; la brune et la blonde ; la feinte humilité de l'une, l'indifférente compassion de l'autre... les lignes vocales rendaient bien la conversation brillante, l'affrontement d'instinct des deux rivales).
Commentaires
Tu ne parles pas des décors...
pas bien compris les décors sauf le grill final très impressionant avec ses charbons de cristal incandescent...
Oups, je ne suis plus sûre de trouver une place, et pourtant, à cause de Proust, je voulais y aller.
As-tu l'intention de rapatrier tes archives ici?
Tiens, nouvelle interface ! (plus pratique)
Quelques remarques, sinon.
Wagner a plutôt été influencé par Meyerbeer (qui lui a mis le pied à l'étrier...), même s'il l'a beaucoup calomnié par la suite. Halévy appartient à la même école, d'où la parenté, mais je ne crois pas que l'influence ait été directe.
Il s'agit à ma connaissance de la meilleure oeuvre d'Halévy (les autres ont vraiment des faiblesses, des tunnels) après sans doute son Noé achevé par Bizet. Meyerbeer dispose d'un plus grand sens de la danse et surtout d'une frénésie modulatrice assez fascinante.
Je ne suis pas très convaincu par les arguments de lourdeur et de pompe : l'opéra est précisément fait de convention !
Et le Grand Opéra a tout de même rompu avec un passé beaucoup plus stéréotypé dans le choix des sujets et leur traitement. Les livrets de Scribe, malgré les vers de mirliton, sont des modèles de vivacité dramatique, avec un goût pour le coup de théâtre qui ne me semble pas relever du mauvais que je perçois chez d'autres. Les caractères sont bien sûr stylisés, c'est le règle à l'époque, mais toujours mêlés d'une distanciation souriante assez spécifique à Scribe. Halévy joue moins bien le jeu que Meyerbeer, mais allez trouver un héros incontestable, qui ne frise l'incongruité à tel ou tel moment dans cet opéra...
Une immersion dans ces codes permet, je crois, de mieux saisir en quoi chaque livret, chaque compositeur exploitent l'armature obligée. Il faut préciser que la représentation était coupée, ce qui nuit évidemment à l'équilibre de l'ensemble. Et plus que tout autre, ce répertoire réclame des interprètes très efficaces vocalement et dramatiquement, un orchestre raffiné, etc.
Je doute que les choeurs d'Oulan-Bator aient répondu à cette exigence.
Quant à la comparaison avec Wagner, elle est évidemment à rebours, et il ne faut surtout pas la faire, pour apprécier le genre. Comme si on comparait la tragédie lyrique avec l'harmonie de Franz Schreker ; on risquerait la trouver rigide et sans imagination, ce qui est réellement une illusion d'optique.
Voilà pour le petit pinaillage.
>VS : il y avait du monde mais pas ce n'était pas complet... (quant aux "archives", elles resteront où elles sont... d'ailleurs, avec le temps, si ça dure, tout finira peut-être par se retrouver ici, se répétant ?).
> David : Oulan Bator ? comment viennent-ils de si loin ?
Un ami déclare cet opera fourirogène: la rime facile "l'hérétique à la boutique" trouva un étrange écho dans le public: "les zinzins au magasin"...
Les gens sont méchants, et les zygomatiques bien faibles face à tant de malveillance...